Le premier livre de cette liste n'est donc pas un livre, ni même un disque, mais une cassette. Mes parents ont eu Léo Ferré pour point commun et, lorsque ma mère et moi avons emménagé à Château-Rouge, dans une seule pièce, j'ai forcément entendu ce qu'elle passait en boucle dans son radio-cassettes. J'étais en maternelle, je ne savais pas lire. C'est donc sans les voir jamais écrits que j'ai découvert les poèmes de Rimbaud et Verlaine, mis en musique par Ferré. A cinq ans, je connaissais Les Poètes de sept ans quasiment par coeur et me sentais en phase avec cet enfant dont il était question, pourtant plus grand que moi (un vieux, quoi). Ma mère me disait qu'Arthur Rimbaud avait écrit toute son oeuvre à quinze ans et je ne partageais pas une seconde son admiration pour cette prétendue maturité : quand j'aurai quinze ans, je saurai sûrement écrire comme ce vieillard, me disais-je, sans pour autant le claironner (je devais bien sentir que cette phrase pourrait un jour se retourner contre moi). Les poèmes de Rimbaud me terrorisaient, surtout Les Assis (Puis ils ont une main invisible qui tue (...) Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir : allez dormir tranquille, après !), que j'adorais. Et il y avait la bible à la tranche vert chou du poète de sept ans, qui exerçait une double fascination : celle de la feuille de chou servant, à mon avis, de couverture (je l'imaginais très bosselée et grumeleuse, me demandais s'il finissait par la manger - et qu'est-ce que ça pouvait être que cette tranche ? une tranche de quoi ?) ; et aussi, qu'il soit question de la Bible, un livre assez diabolique sans doute, interdit à coup sûr (j'étais élevée par une athée farouche, il n'était pas question d'avoir la Bible à la maison).
Ca m'a saoulée comme on ne peut pas l'imaginer d'apprendre ensuite que tout Français normalement constitué se mettait à aimer Rimbaud à quinze ans et se lançait dans la rédaction de poèmes qu'il allait renier par la suite (ce qui lui conserverait néanmoins une aura romantique auprès des filles - car c'était les garçons qui écrivaient les poèmes, bien sûr). En première, pour le bac de français, nous avons étudié Rimbaud en cours, et les cours n'étaient pas très bons : je n'ai plus rien voulu savoir de lui, n'ai pas non plus écrit de poèmes. Mais La Chanson de la plus haute tour est inscrite, réinscrite en moi, le sera jusqu'au bout.
Puisqu'on me piquait Rimbaud, je me suis alors tournée vers mon autre vieux camarade : Verlaine, dont Ferré m'avait permis de découvrir Il patinait merveilleusement, Mon rêve familier ou Ô triste triste était mon âme (que je confondais tous les deux). Je me suis gavée de Verlaine à dix-huit ans, quand j'ai vécu seule la première fois, et n'ai repris Rimbaud que bien plus tard, et pas sans méfiance.
Dans mon tableau de lectures, en gros : une veine Rimbaud pour les abîmes, les chocs, les textes qui ont les yeux cerclés de bagues vertes ; une veine Verlaine pour les délicatesses, les nuances, les wagons roses avec des coussins bleus où l'on se cherche des poux (c'est ce que j'en avais déduit).
Quant à Ferré, il faut bien avouer qu'à part ce disque-là...
Ca m'a saoulée comme on ne peut pas l'imaginer d'apprendre ensuite que tout Français normalement constitué se mettait à aimer Rimbaud à quinze ans et se lançait dans la rédaction de poèmes qu'il allait renier par la suite (ce qui lui conserverait néanmoins une aura romantique auprès des filles - car c'était les garçons qui écrivaient les poèmes, bien sûr). En première, pour le bac de français, nous avons étudié Rimbaud en cours, et les cours n'étaient pas très bons : je n'ai plus rien voulu savoir de lui, n'ai pas non plus écrit de poèmes. Mais La Chanson de la plus haute tour est inscrite, réinscrite en moi, le sera jusqu'au bout.
Puisqu'on me piquait Rimbaud, je me suis alors tournée vers mon autre vieux camarade : Verlaine, dont Ferré m'avait permis de découvrir Il patinait merveilleusement, Mon rêve familier ou Ô triste triste était mon âme (que je confondais tous les deux). Je me suis gavée de Verlaine à dix-huit ans, quand j'ai vécu seule la première fois, et n'ai repris Rimbaud que bien plus tard, et pas sans méfiance.
Dans mon tableau de lectures, en gros : une veine Rimbaud pour les abîmes, les chocs, les textes qui ont les yeux cerclés de bagues vertes ; une veine Verlaine pour les délicatesses, les nuances, les wagons roses avec des coussins bleus où l'on se cherche des poux (c'est ce que j'en avais déduit).
Quant à Ferré, il faut bien avouer qu'à part ce disque-là...