Repère : une manifestation, durant la période des soldes, lors de laquelle les employés du grand magasin ont réclamé des augmentations de salaire. Filmé par la télévision, la police et eux-mêmes, le cortège (bientôt dispersé) est vu dans le second extrait par le directeur à travers la baie vitrée de son bureau, situé en hauteur.
Devant
cette même entrée, plus tôt ou plus tard peu importe, la police en
civil, en tenue, en armure, flash-ball et camescope tournés vers la
foule, arrête un manifestant. Plaqué à terre, tee-shirt relevé,
ventre frotté au sol, il est maintenu par plusieurs (le pied qui
appuie sur sa jambe, on ne voit que ça) avant d'être relevé,
pressé, serré contre les portes du grand magasin qui se passerait
sans doute de cette publicité. Sifflets, hurlements d'une femme,
paroles calmes d'un qui ne supporte pas la façon dont l'homme est
traité et le dit, tout est enregistré, entre dans le cadre. Le ton
monte, la foule insulte. Tout le monde semble avoir peur, policiers
et manifestants, tout le monde filme en même temps, légion de
téléphones portables, vidéos qui se multiplient sans que personne
ne sache ce que l'on voit au juste.
(...)
En
bas, c'est du studio, les figurants se dispersent : ce qui au JT
deviendra groupe de perturbateurs retourne à sa vocation de foule,
amovible et irraisonnée. Vue du dernier étage, elle se mue en écran
sur lequel projeter des scènes, des schémas, des lignes : on y
invente l'avenir, y sécurise le monde, y segmente la clientèle.
Employés et touristes, mendiants et chefs d'état sont orientés,
guidés.
*
Note : ce passage ne fera sans doute pas partie du livre. J'ai décidé de tuer le directeur du grand magasin pour des raisons de fluidité, de cohérence avec le reste du texte. L'inscrire ici, c'est tout de même faire apparaître cette manifestation filmée de toutes parts à laquelle je tenais : plaisir du blog et de sa liberté...
Mois d'août, dernière phase de travail : comme on le devine peut-être, je suis en train d'ajouter ou de supprimer quelques éléments avant de rendre une bonne fois pour toutes le texte à mon éditeur. D'où cette apparition des coupes et la mention, parfois, de mes hésitations. Ces billets Décor Lafayette, souvent liés au travail hors ligne, m'accompagnent, me servent de points d'appui. Dans l'idéal, j'aimerais qu'ils soient également le reflet d'un cheminement, d'une déambulation, dans le texte à venir comme dans le grand magasin.