En réalité, il s'agit d'un été passé au fond d'un lit ou presque - on va chez un médecin, un autre, dans un cabinet médical pour faire des examens, un autre, avec la peur qui s'interpose tandis que les résultats n'indiquent rien de probant. Le monde est donc réduit au corps, à la douleur, à la chaleur, au bruit dehors et à l'incertitude. L'esprit n'y est plus du tout, impossible de lire, écrire on n'en parle pas, tout juste y a-t-il moyen de regarder des films et essayer de sortir faire la photo du jour.
(voici la rue que j'emprunte pour aller à la piscine d'habitude. Un matin, je suis tellement fatiguée que je ne me souviens plus du titre du livre consacré à la nage que j'ai l'intention d'écrire l'an prochain. Heureusement ça revient)
Qu'est-ce qu'on peut faire ? Emprunter des DVD à la bibliothèque, trouver des films sur YouTube et se donner l'illusion de travailler quand même en regardant ou revoyant dans le désordre : Clash by night, Niagara, All about Eve, The Asphalt Jungle, Some like it hot, Let's make love, Gentlemen prefer blondes, Love nest, Don't bother to knock, Bus stop, How to marry a millionnaire, River of no return, Ladies of the chorus, Let's make it legal... Je donne les titres de ces films en anglais non par snobisme, mais parce que l'édition des DVD de Marilyn Monroe que je trouve ne comporte généralement pas de sous-titres en français, ce qui me pousse à les regarder en anglais sous-titré pour les sourds, description des bruitages et musiques incluse.
J'aime bien - et ça me permet de lire quelque chose, mine de rien.
J'aime aussi ce passage de Clash by night où Peggy, ouvrière dans une poissonnerie, renvoie dans les cordes son macho de petit ami.
Les films dans lesquels elle joue me fascinent rarement, c'est pourquoi, à l'origine, je n'avais pas l'intention de les revoir. Il fallait tout de même se débarrasser de l'atroce VF que nous infligeait la télé quand j'étais adolescente. Découvrir, par exemple, l'étonnante voix de Marilyn dans Bus stop. L'accent du sud de son personnage, Chérie, la métamorphose.
(bon, là, c'est sous-titré en portugais)
Intéressantes, aussi, à regarder : les bandes-annonces des films. On y découvre chaque fois comment l'actrice est traitée par Hollywood. C'est limpide même, comme si l'inconscient des producteurs était projeté sur l'écran. N'ayant pas encore revu The Misfits, que je ne connais un peu par coeur, je ne m'étais pas penchée sur son trailer. Eh bien c'est très révélateur, là aussi. Alors que le film a été écrit pour aider Marilyn Monroe à quitter son personnage de femme-objet, la bande-annonce opère un virage à 180. Arty, peut-être, pour l'époque sur le plan formel, mais totalement réducteur, et même faux.
Il me reste à revoir le film, ainsi que The Prince and the showgirl, dont je n'attends pas grand chose.
Quoi d'autre de l'été ? Ceci :
fait-divers de plus de cent ans, transposé sous nos fenêtres d'aujourd'hui il y a quelques jours à peine.
Bifurcation, alors, vers l'oloé 2.
Et puisqu'il est à nouveau possible de lire et d'écrire, je termine par ces mots du dernier roman de Thierry Beinstingel, Vie prolongée d'Arthur Rimbaud, qui m'accompagnent d'autant mieux que la sensation décrite s'estompe, me quitte, va disparaître, s'évanouir, nul doute ne saurait durer :
Un corps malade est sans unité, réduit à un tas de chair et d'os plus ou moins décrépis. Il faut attendre la mort ou la guérison pour retrouver un semblant d'existence, un sens, une identité, un intérêt manifeste pour la grande communauté des hommes. La mort et c'est un nom à graver sur une pierre tombale, une date de naissance et l'année en cours. Ce sont des soupirs et des larmes, des souvenirs à égrener pour une ou deux générations suivantes avant un ultime effacement. La guérison et on peut participer de nouveau à la vaste société. On retrouve la position debout, les mots, la langue.
C'est ça : debout et retrouver les mots, ceux des autres et les siens. Il est temps.