Hier soir, lors de la
8e nuit remue et durant 8 minutes, j'ai réuni pour la première fois mes trois décors : deux extraits de
Décor Daguerre, puis un extrait de
Décor Lafayette, et enfin le début de
Ile ronde,
déchirure tempête, la variation pour Dita Kepler que je suis en train d'écrire.
Ce n'était pas rien, pour moi, cette possibilité de les assembler ainsi. Lorsque j'ai eu l'idée de ces textes (en 2006 !), j'ai vraiment imaginé les trois en même temps, en quelques instants à peine, et tout de suite m'est apparu le désir de les écrire de façon parallèle. Je savais que ce n'était pas possible. Pourtant, d'une certaine façon, c'est peut-être ce qui s'est passé. En préparant cette lecture, en tout cas, j'ai eu le sentiment d'appréhender pour la première fois un ensemble.
Aussi, grand merci à
remue.net de cette invitation (qui permet à certains auteurs de débloquer des choses, de faire avancer de nouveaux textes, oui, on l'a encore découvert hier) et de la belle écoute des personnes présentes.
Je pense que je ne saurai jamais vraiment pourquoi j'ai décidé un jour, dans le couloir de mon appartement, d'écrire sur la notion de décor, qu'il soit disparu, naturel, factice, virtuel, en mutation, ancré dans la ville... J'en ai une petite idée, bien sûr, mais je crois que ça ne m'intéresse pas de creuser davantage la question. Pas tant que j'écris, en tout cas. Ce dont j'ai eu la sensation hier soir, cependant, et plus tôt en effectuant le montage de mes textes, c'est que je pouvais continuer à travailler les trois séparément (ce que j'ai fait chaque fois que j'en ai abandonné deux pour écrire le troisième) mais également commencer à réagencer les trois en faisant se répondre certains éléments.
Le premier extrait de
Décor Daguerre que j'ai lu hier soir s'appuie sur une
fiction de 1964 (film utopique, néanmoins réaliste).
Le deuxième, toujours issu de
Décor Daguerre, est lié au présent de l'écriture, à l'enfance et à un documentaire de 1975 (on se demande lequel
!).
Le troisième, tiré de
Décor Lafayette, inspiré lui aussi d'un documentaire (
pas le même), est daté comme le film de fiction de 1964.
Enfin, le quatrième, début de
Ile ronde, s'inscrit lui aussi dans le temps, puisque
Second Life est mentionné, mais différemment : le personnage principal, Dita Kepler, n'est pas un personnage mais un avatar, ce qui dans mon esprit n'est pas la même chose. Quant au décor, il hésite entre plateforme de jeu et lieu réel. Autant dire que les repères temporels sont eux aussi bouleversés.
Tout cela m'apparaît par frictions, juxtaposition des trois ensembles (difficile de parler de texte, et moins encore de livre, pour Dita Kepler qui est tout explosé). D'une certaine façon, ce qui vient, ce sont des plateaux :
plateau fiction documentaire virtuel réalisme ou non
plateau nature du personnage (personne réelle personnage avatar)
plateau décor (et je réalise ce matin que dans mon projet de départ il y avait ce "décor naturel", mis de côté pendant des années et qui m'a finalement été apporté l'an dernier, grâce à la résidence de Grand Lieu... sur un plateau !)
Et me voilà à sauter de l'un à l'autre comme dans un
jeu de plateforme : oui, l'image est la bonne, davantage, même, que celle des
branches de l'arbre (auquel
Décor Daguerre se réfère, j'en ai déjà parlé
ici), même s'il n'y a pas d'ennemi ou de but à atteindre.
Tout cela peut, du moins je le crois, causer sans toujours le dire violence colère douceur meurtre liberté bonheur angoisse dégringolade remontée en me laissant sauter, sautiller d'une plateforme, d'un plateau à l'autre, danser sur un pied, prendre de l'élan, tomber et repartir sans que ne se fige, se fixe quelque chose.
C'est en tout cas la sensation que j'ai eue hier soir.
(et donc ça remuait !)
*
photographies prises dans la chambre rose du château de la Sénaigerie, où se trouve actuellement Dita Kepler