Lors de cette quatrième séance (quatrième en ce qui me concerne car, je le rappelle, ces ateliers, dont voici le site, sont menés alternativement par Cécile Portier, Joachim Séné et Pierre Ménard et moi), nous avons quitté le Louvre pour le Grand palais, afin de profiter de la rétrospective consacrée au vidéaste Bill Viola.
Ce ne sont pas à partir des oeuvres ci-dessus que nous avons travaillé, mais de Catherine's room : cinq vidéos placées côte à côte qui permettent de regarder, du début à la fin de la journée (mais aussi de l'année, de la vie...) la même femme dans une pièce unique dont quelques éléments diffèrent. Cette femme se livre lentement à un certain nombre d'activités (lire, écrire, coudre, allumer des bougies, faire du yoga...) tandis que les saisons passent, que la lumière décline.
L'historien d'art Mickaël Pierson précise dans un article paru en mars 2014 :
"Expérience
de la durée, la vidéo est un moyen privilégié pour la mise en
scène du temps qui passe. C’est toute une journée qui se déploie
sur les cinq écrans qui constituent Catherine’s Room (2001). Du
lever au coucher, on découvre les diverses activités qui occupent
la sainte à mesure que la lumière croît puis décroît. Mais la
lucarne qui ouvre sur le ciel dévoile une tout autre temporalité :
ce sont les saisons qui défilent, une branche fleurissant avant de
voir ses feuilles tomber jusqu’à disparaître dans la dernière
image. D’une seule journée, Bill Viola nous conduit à une
méditation sur l’existence. Les âges de la vie sont ainsi souvent
présents dans les œuvres de l’artiste. Ce sont des êtres de tous
âges et toutes origines qui sont paisiblement immergés dans The
Dreamers (2013)."
Bill Viola, de son côté, explique : "Peut-être que le plus étonnant dans notre existence individuelle, c’est sa continuité. C’est un fil qui ne se coupe pas – nous vivons le même moment depuis la première minute de notre conception".
Faire le portrait de quelqu'un en décrivant son intérieur ; décrire quelqu'un, dont on ne perçoit que l'extérieur, de l'intérieur : est-ce possible ? Et comment ?
Pour le savoir, nous avons tenté l'expérience suivante : écrire 5 fois 5 textes (25, donc, eh oui !) à
partir des cinq vidéos. Tenter une
description « objective » tout en parlant à la place de
la femme, qui tiendrait une sorte de journal, en prenant pour points d'appui :
- le temps tel
qu'il est représenté : temps qu'il fait, temps qui passe, saison,
moment de la journée, etc
- ce qui se
trouve dans la pièce : meubles, objets, éclairages, etc. Noter les
changements. Ajouter si l'on veut des choses qui ont peut-être été
dans la pièce, qui pourraient y être.
- les mouvements
de cette femme
- ce qui est
dans le cadre, mais nous reste invisible (ce qu'elle lit, ce qu'elle
écrit, les sons...)
- ce qui
n'est pas dans le cadre (le jardin, la maison d'à côté mais aussi
l'enfance de cette femme, ou sa jeunesse, ceux qu'elle aime et qui
sont absents, etc).
Pour cela, s'appuyer principalement sur Intérieur, de Thomas Clerc, tentative d'épuisement d'un appartement parisien (celui de l'auteur, en l'occurrence) mais aussi sur Avoir un corps, de Brigitte Giraud, roman dans lequel une femme d'aujourd'hui apparaît, se construit, se dessine à travers la vision que les autres et elle-même ont de son corps, de l'enfance à l'âge adulte.
*
Encore un mot : le grand intérêt de cette expérience d'ateliers au musée, c'est également de pouvoir l'exporter. C'est ainsi qu'au Blanc, durant mes séances au lycée, j'ai pu projeter aux élèves de seconde cette vidéo de Bill Viola qui se trouve au tout début de l'exposition, The reflecting pool, et leur proposer un exercice d'écriture sur l'instant suspendu. Mais voyez plutôt :