j'ai dans un sac de toile blanc à pommes rouges offert par un ami allemand
(un homme doux et généreux cela a son importance)
quinze cartes signées M.H
ou Maryse H
quinze enveloppes aux timbres choisis
ces cartes sont numérotées comme suit : territoire postal 1, territoire postal 2, etc.
la première représente les marais salants de la côte d'amour
il y est question de lumière oblique de septembre
le poème commence par ces mots : elle lança la vie par-dessus son épaule
la deuxième montre la grande forge de Buffon
pluie tonnerre forge tout se mêle
écrit Maryse
la troisième est une photo de l'Alhambra, Granada
je crois que c'est une mosquée
j'aime tellement les courbes les arcades
(moi aussi, Maryse)
la quatrième : le viaduc rue de Monthléry à Orsay
une photographie noir et blanc
paysage de ponts d'aqueducs de forêts de fenêtres
sur la cinquième, elle a commencé à écrire long, plus long, et a ajouté ("à suivre") un petit papier pour la fin de la phrase.
La carte reproduit le visage d'une femme, image tirée d'une case de bande dessinée. De l'eau jusqu'au cou elle pleure mais annonce qu'elle s'en fout : plutôt couler que de demander de l'aide à Brad, est-il écrit en langue anglaise dans la bulle pensante. Cependant Brad est là, me rassure Maryse. Sur la plage, avec son acolyte, ils veillent la brune à la jumelle.
le territoire postal 6 est de Jérôme Bosch : il s'agit d'une reproduction de Saint-Jacques et le magicien Hermogène. Par les mots de Maryse cela donne bouche d'oeuf, bec oblong, aile d'ange, escogriffe, papillon à fesses de biche et elle refait l'histoire : trois types viennent pour les vacances, surveillés par leur oncle et un de ses amis : petit rabougri.
Maryse me parle à nouveau de la femme d'hier, baignée jusqu'à l'espace ouvert.
la septième carte, c'est un champ de blé de Georges Braque.
revenir sur les lieux et voir le temps qui passe
grand remontoir de l'espace et du temps
et l'amie
la huitième, c'est le second cheval chinois de Lascaux II. courir courir une femme sauve son enfant de la cavalcade mufles et souffles et pour remercier la bête de lui avoir laissé la vie elle déposera sur le parvis de la grotte la terre brune et le liant
ce jour-là elle a tracé une fenêtre
clôt le récit
la neuvième expose le jugement dernier tel qu'on le voit à l'abbaye royale de Fontevraud, sculpté en tuffeau polychrome
ce tuffeau, justement : puiser aux carrières en pillant orsay direction st-germain en laye
un peu plus loin :
c'est quoi cet amalgame de pierre et corps
la dixième carte m'envoie à Menton, Côte d'Azur. Il y est question de violette, dite timide, de multiples parfums.
la onzième, c'est Berlin, Potsdamer Platz. Et la forme d'une ville qui change plus vite, hélas... C'est une carte écrite dans un TGV en duplex avec arrêt à Angoulème ; paysage-ville d'arbres et d'herbes de champs de céréales quelques maisons passent
ah j'aime tant la douzième, carte publicitaire dont Maryse a maquillé la marque pour garder trip et, plus loin, ose. Elle représente des pieds avec chaussures de différentes couleurs (dont rouge, turquoise). Et Maryse me dit plusieurs fois
marche écris
va parcours la terre de ton pas ailé
le territoire postal 13, ce sont douze bols impériaux. Au dos elle boit du thé, du bouillon, des herbes à tisane.
l'avant-dernière carte représente une toile de Christian Dotremont et Asger Jorn sur laquelle est écrit : Je lève Tu lèves Nous rêvons
elle rêve de cartes elle lève la main dit Maryse
la quinzième est une aquarelle, Clématite rose (Henri Berger, 1902).
sont décliné(e)s ces roses qu'elle a tant aimé(e)s
la dernière phrase est pour moi
je n'ai pas su répondre aussi beau, aussi bien
je n'ai dit que merci
mais voyez quel est mon trésor
dans le sac ce jour
quinze cartes quinze enveloppes
et des pétales de roses