Vent
l’auvent par intermittence claque comme une voile un drapeau tu
retiens chaque page calé dans l’ombre nécessaire c’est août
l’air est brûlant presque aucune voiture sur le boulevard de
longues plages de silence tu ne lèves pas la tête du petit format
au milieu le bandeau de portraits poésie dans la rue c’est plutôt
rare.
En septembre trafic aura repris les piétons des étudiants nombreux les véhicules qui croisent au carrefour derrière la vitre du café tu apparais le temps du passage du bus sous son ombrage c’est histoire de reflet ainsi que tu lises et quoi nul n’aura le temps de s’en rendre compte te voilà à nouveau effacée repartie de l’autre côté.
Même
si tu t’écartes tu prends du champ choisis la vue le banc les
feuilles des arbres tout l’entourage se prête enveloppe ta lecture
d’une lumière idéale mais quand passent les jeunes filles
difficile de pas les regarder tu restes le nez en l’air longtemps
derrière chacune.
Il
faisait froid personne sur les bancs sauf elle en rouge évidente me
suis mise à trembler devant elle rouge dans le froid seule de quel
lieu est-elle en ce moment captive ou si c’est pour quelqu’un qui
viendra tout à l’heure ou si elle me surprend à l’observer
personne n’est venu et nous sommes restées chacune d’un côté
de la grille et elle ne m’a pas vue.
Entrer
dans l’espace déplié des pages parmi les bruits claquements de
métal des machines à café plateaux empilés les voix surtout font
une basse continue avec quelques éclats c’est le chant d’une
cité un chœur de Suppliantes pour ton ouvrage quand tu ouvres la
bouche égrènes parmi les autres ta parole je ne vois que tes lèvres
qui bougent que sais-tu des bibliothèques antiques lieux de rumeurs
et de bourdonnements.
De
toi je ne sais rien je devine seulement la carrure un peu lourde
reposée un livre dans une main l’autre sur le genou je ne sais
rien que ce tee-shirt sali je t’ai trouvé de dos auprès d’une
fontaine rien je te prête l’histoire d’un qui seul et seul a le
temps de et regarde quand même sa montre sous les lierres auprès
d’une fontaine dans l’endroit retranché du jardin.
Tu
tournes ils surgissent arrivent en bout de course tu tournes pour un
train qui part toutes les trois minutes tu tournes en moyenne
impassible une page toutes les trois minutes pour le temps qui défile
pour un train sur le quai tu tournes pour qu’ils arrivent encore et
repartent au suivant tu tournes la suivante un froissement d’air un
rien les ventiles les voilà repartis pfuitt en allés.
Virginie Gautier
Les
images sont des captures d’écran de la vidéo « Les Ilots »
©Virginie
Gautier 2005
*
Tu dormais et voilà que tu te réveilles peut-on lire au tout début, ou presque, du livre de Virginie Gautier, Les Zones ignorées, illustré par Gilles Balmet. Il fait partie de ces ouvrages, rares, dont on sait tout de suite qu'ils deviendront nôtres et dont on poursuit la lecture en étant sûr(e) de ne pas se tromper.
C'est pourquoi je suis si contente d'échanger aujourd'hui lors des vases communicants avec Virginie, rencontrée il y a bientôt deux ans et qui a, ô hasard, travaillé à une époque à Saint-Brieuc. Ecrivain, mais également plasticienne et photographe, elle avait installé à la villa Rohannec'h en 1999 des miroirs derrière chaque fenêtre, des m2 de miroirs, m'a-t-elle-dit, oeuvre éphémère appelée Là/Ailleurs. Est-il besoin que j'ajoute quelque chose ?
Dire peut-être, tout de même, que nous avons choisi le thème des oloés (lieux où lire où écrire) et que le mien est donc chez elle, à cette adresse. Remercier également Brigitte Célérier et Pierre Ménard pour leur beau et patient travail de recension des textes.
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