(Maison de la poésie, Etats généraux du livre, photographie de Samantha Bailly)
Mardi, mercredi, jeudi : Dire que j'allais écrire sur la douceur, c'était mentir : Bruits, c'est une histoire de violence, d'abord et avant tout - et je ne l'écris pas en ce moment. J'écris mon journal, ce semainier et un peu de Dita Kepler sur Twitter, je lis, prends des notes, disséminées partout.
Surtout, je suis traversée par cette violence symbolique, physique, sociale qui fuse de tous côtés sans qu'on puisse reprendre souffle : le mépris, maître-mot des Etats généraux du livre à la Maison de la poésie posant la question du statut des auteurs ; le communiqué sur les migrants à Paris du ministère de l'intérieur, bouillie mentale à laquelle il voudrait m'associer ("enjeux humanitaires qui ne sont plus supportables pour les parisiens", je cite, faute comprise), les lycéens d'Arago en garde à vue, fouillés, humiliés, leurs parents non prévenus ; les futurs bacheliers en plein stress, la main de l'étudiant arrachée à la Zad...
J'essaye ici de parler de ce qui avance, se construit, progresse mais comment faire ? Non, je ne me blinderai pas, me dis-je ces jours-ci, et non je ne regarderai pas ailleurs. Généralement, je n'interviens pas dans les débats, sur les réseaux sociaux ou autres, me méfiant de moi-même, de mes emportements, mais cela ne veut pas dire que je n'écoute pas, ne réfléchis pas. Simplement, d'habitude, j'en passe par l'écriture et ça infuse longtemps, en ressort transformé.
Mais là, comment faire ?
Etat policier en marche.Lui opposer une autre force. Un autre corps. D'autres mouvements, d'autres jambes.
(photo fétiche, prise à Montparnasse)
Pas si simple. Parfois tout paraît dérisoire.
Heureusement, voici qu'à l'instant m'arrive la "minute" de Virginie Gautier, détournée vers la ZAD.
Il y aussi les extraits de VF dans la revue Terres d'encre qui paraissent, et ce portrait que Lucie Leprêtre, romancière et étudiante à l'Université de Clermont-Ferrand, a fait de moi en atelier, qui me touche et me redonne de l'énergie :
Vendredi anniversaire, jour off
Samedi départ pour Montpellier, afin de participer à un colloque sur le numérique et les ateliers d'écriture à l'université Paul Valéry animé par Juliette Mezenc, avec Guénaël Boutouillet, Gilles Bonnet, Virginie Gautier et moi. Dans le train, je prends des notes sur Bruits, sur mes intentions à propos du personnage principal, une petite fille désignée par la lettre F. Elles débordent vite le cadre de ce livre :
F est un personnage abstrait. Ce n'est
pas une vraie petite fille, pas plus que Dita Kepler n'est une femme,
pas plus que l'exposition de Volte-face n'est une véritable exposition ni son guide un guide réaliste. Je ne
cherche pas le réalisme, le fait vrai : je m'en fous. Je
ne me sens pas de comptes à rendre à propos du réel, n'ai pas à prouver que j'ai
vécu. Je ne veux pas démontrer que je sais
imiter ni prendre la voix des autres. Franck n'est pas Franck.
F a six ans, ou seize, ou soixante, il y a des géantes dans les grands
magasins, Dita Kepler est capable de franchir les murs, de se scinder
en deux et d'entendre des voix. Ce que je dis des parloirs de prison dans les années 80 est vrai, je l'ai vécu, mais les salles d'attente pour familles de détenus sont aussi des serres, des laboratoires.
Seule vérité : n'avoir qu'une vie, qu'un cerveau, un corps, ne pas vouloir les limiter. Vouloir plutôt le rythme, le mouvement, le désir, l'envolée, tracer en ligne droite, bifurquer sans arrêt.
Seule vérité : n'avoir qu'une vie, qu'un cerveau, un corps, ne pas vouloir les limiter. Vouloir plutôt le rythme, le mouvement, le désir, l'envolée, tracer en ligne droite, bifurquer sans arrêt.
(avec Juliette Mezenc, photo de Virginie Gautier)
Et voilà que tout se déplace et change, justement, après la table ronde et le départ de Montpellier pour Sète. Juliette et Stéphane ont prévu de nous emmener, Virginie et moi, à la Pointe courte, le quartier de jeunesse d'Agnès Varda.
Mettre les pieds dans l'eau, voir passer des méduses, des chats, des mouettes, des bateaux qui croisent un TGV sur le départ. Prendre l'apéritif, entendre des histoires de mer et de lectures d'enfance : de vrais amis, n'est-ce pas, ceux qui vous entraînent de ce côté-là ?
Début de semaine dans la fracture, fin de week-end dans l'harmonie, provisoire et renouvelée.
Se conforter, reprendre pied, repartir.