J'avais bien conscience d'avoir laissé cette rubrique, où les livres parus et les projets en cours se croisent, un peu en friche ces derniers temps, mais je ne pensais pas que cela faisait déjà une bonne dizaine de mois. Pourquoi ? Sans doute parce que L'aiR Nu a pris beaucoup de place cette année, ce qui n'a fait que me réjouir. Outre les 36 secondes, rubrique hebdomadaire qui commence même à avoir quelques fidèles (joie !), nous avons récemment mis en ligne notre premier chemin de lecture, consacré à Thierry Beinstingel. Je n'ai qu'une hâte : que les propositions se multiplient, que nous ne sachions plus où donner de la tête.
(tiens, voilà une photo qui n'est pas sur L'aiR Nu)
D'ailleurs, oui, voilà ce dont j'ai envie, ces derniers temps : avoir énormément de pain sur la planche. Devoir à nouveau jongler, écrire dans l'urgence, être obligée d'établir des ponts entre toutes ces choses, projets lancés, textes qui sortent, voyages, enregistrements, pour aller au bout de ce que je me suis promis. 2017, une année comme ça ? Ce serait bien.
En attendant, ce qui est paru, c'est le début de L, la seconde partie de Diptyque, vendredi dernier dans la revue Hors Sol. Un travail dont, de mon côté, je ne sais que faire (qu'est-ce que c'est, au juste ? Un texte pour la scène ? Non, on ne peut pas dire, même si la compagnie Pièces détachées l'a adapté) mais que je n'ai pas envie de lâcher pour autant. D'ailleurs le projet de la compagnie est de réaliser, à terme, un livre-objet.
L est une sorte de triangle entre un photographe, son modèle et le livre qu'ils réalisent. Qui des deux est le créateur ? Lui, qui met en scène la situation, agit sur le cadre, la lumière, les poses, les expressions ? Elle, qui a fait de son corps une oeuvre, quitte à en tester les limites ?
Une femme qui se laisse photographier : évidemment, on peut penser à Marilyn, même si dans L ce n'est pas d'elle qu'il s'agit. MM, ou le chantier principal de cette année : il faudrait avoir terminé avant fin décembre me dis-je, tout en continuant d'osciller entre 1954 et 1955 et en attendant les épreuves de Décor Daguerre, qui ne devraient plus tarder.
Le premier métier d'Agnès Varda fut d'être photographe, on le sait. Ecrire ce Marilyn, c'est s'intéresser au travail d'un grand nombre d'hommes, bien sûr (Milton Greene, Sam Shaw, bientôt Richard Avedon, Cecil Beaton...), mais c'est aussi croiser des femmes et s'y arrêter : pin-up, modèles, actrices, photographes, productrices, réalisatrices qui furent les vraies pionnières de ce qu'est devenu Hollywood.
Etre des deux côtés de l'appareil, prendre place partout, voilà ce que permet l'écriture, se dit-on. C'est en tout cas ce qu'on s'imagine, l'illusion qu'on en a. Ou peut-être même pas : on est encore ailleurs, à ne jamais dominer le sujet, à creuser sa brèche avec l'entêtement d'un joueur alors que les plates-bandes ont déjà été piétinées mille fois.
Décor Daguerre : j'attends les épreuves, donc, et la couverture, qui reprendra le détail de mes arbres. Je sais que ça va être quelque chose, ce retour au texte de 2013. A vrai dire, j'ai déjà l'idée d'un autre livre qui serait lié à celui-là. Il est même en train de pousser fort, marque son territoire, seul dans son coin. Seulement, outre le Marilyn, il y a encore le projet de deux autres livres, que des résidences pourraient m'aider à développer. Si c'est non pour tout, on verra. Si c'est oui, il faudra tout écrire en même temps - et j'ai horriblement envie que ça se fasse !
Au départ, il n'y a que nos désirs d'écrire. Comment nommer ce qui ensuite se matérialise, se détache, existe, voyage, est oublié ? Est-ce autre chose ? La même chose ? Une extension ? Un modèle ? Un passage ? Du présent pur et dur ? Parfois je me sens comme ces deux-là, qui ont laissé leurs parasols rouges au balcon tandis que les feuilles tombent. A d'autres moments, c'est la feuille qui me semble proche.
(et c'est pourquoi, en guise de fin, voilà donc des nouvelles du lierre)