Longtemps j'ai haï la gare du Nord pour des raisons liées à mon trajet de l'époque. Puis j'ai passé trois ans à écrire un livre, appelé Franck, dont le centre nerveux est justement cette gare. En guise de voeux/bonnes résolutions/projets/perspectives pour 2009, et pour que ce blog continue à avoir un sens, il me semble tout à coup que la meilleure chose à faire est d'en mettre un extrait - qui concerne justement ce lieu. 'til I'm dead a vampirisé Fenêtres en 2008 et maintenant c'est au tour de Franck, c'est comme ça...
Comme dans le livre sur les Cowboy Junkies, "l'action" se passe en partie à la fin des années 80.
Et avant tout, merci à ceux qui suivent de près ou de loin ce que je bricole ici, ça compte.
Devant la gare l’espace est clos : pas de grand place ni d’avenue pour nous pousser au large, nous tirer vers le centre ou en périphérie. Immeubles, hôtels, bouches de métro et couloirs de taxis, tout s’entasse en deux dimensions, avance au plus près de la route. A l’aube, encore, la rue de Dunkerque balance, circule en elle-même mais à huit heures déjà tous les employés des brasseries (livreurs, vendeurs) surgissent par les cases entrouvertes. Baissez la tête : les balcons vous foncent dessus. Relevez-la : les trottoirs vous écrasent et les bus vous aspirent.
Dans les recoins de la façade, haute façade gare du Nord, des fantômes se plient au dessin des statues, passés par la même nuit (même pluie, même vent, mêmes secousses), roulés dans leur duvet après avoir comblé les interstices. Ils savent se caler dans ce que le drapé laisse d’espace, font du poteau leur lit bien que l’on n’y soit pas, en tout cas pas encore, aux tracés des debout-assis, ces sièges anti clochards dans les stations de métro que l’on trouve aussi sur les chaînes
(exemple de l’usine de conditionnement du poisson : pesée, balance, empaquetage des filets. L’opération - cinq secondes – sur la chaîne se fait debout. Nécessité du siège debout-assis pour éviter les risques élevés de lésions au cou, aux épaules, aux membres supérieurs. Peut-être le cauchemar du fantôme le plus proche, roulé sous son carton ? Y a passé sa vie ancienne ? Peut-être le modèle de la RATP, sa justification : éviter les lésions aux clochards endormis ? )
Par terre, entre les grilles, le souffle du métro reflue. Entre l’anthracite et l’amiante, entre le charbon et la pâte, c’est l’air pur que ces fantômes respirent. Vous-mêmes n’y êtes pas, en tout cas pas encore, vous passez juste sans réveiller, sans ménager non plus. Vous avez : squat, santé, jeunesse, des nerfs solides au moins le jour.
Comme dans le livre sur les Cowboy Junkies, "l'action" se passe en partie à la fin des années 80.
Et avant tout, merci à ceux qui suivent de près ou de loin ce que je bricole ici, ça compte.
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Devant la gare l’espace est clos : pas de grand place ni d’avenue pour nous pousser au large, nous tirer vers le centre ou en périphérie. Immeubles, hôtels, bouches de métro et couloirs de taxis, tout s’entasse en deux dimensions, avance au plus près de la route. A l’aube, encore, la rue de Dunkerque balance, circule en elle-même mais à huit heures déjà tous les employés des brasseries (livreurs, vendeurs) surgissent par les cases entrouvertes. Baissez la tête : les balcons vous foncent dessus. Relevez-la : les trottoirs vous écrasent et les bus vous aspirent.
Dans les recoins de la façade, haute façade gare du Nord, des fantômes se plient au dessin des statues, passés par la même nuit (même pluie, même vent, mêmes secousses), roulés dans leur duvet après avoir comblé les interstices. Ils savent se caler dans ce que le drapé laisse d’espace, font du poteau leur lit bien que l’on n’y soit pas, en tout cas pas encore, aux tracés des debout-assis, ces sièges anti clochards dans les stations de métro que l’on trouve aussi sur les chaînes
(exemple de l’usine de conditionnement du poisson : pesée, balance, empaquetage des filets. L’opération - cinq secondes – sur la chaîne se fait debout. Nécessité du siège debout-assis pour éviter les risques élevés de lésions au cou, aux épaules, aux membres supérieurs. Peut-être le cauchemar du fantôme le plus proche, roulé sous son carton ? Y a passé sa vie ancienne ? Peut-être le modèle de la RATP, sa justification : éviter les lésions aux clochards endormis ? )
Par terre, entre les grilles, le souffle du métro reflue. Entre l’anthracite et l’amiante, entre le charbon et la pâte, c’est l’air pur que ces fantômes respirent. Vous-mêmes n’y êtes pas, en tout cas pas encore, vous passez juste sans réveiller, sans ménager non plus. Vous avez : squat, santé, jeunesse, des nerfs solides au moins le jour.