mardi 30 octobre 2012

quinze cartes

j'ai dans un sac de toile blanc à pommes rouges offert par un ami allemand
(un homme doux et généreux cela a son importance)
quinze cartes signées M.H 
ou Maryse H
quinze enveloppes aux timbres choisis

ces cartes sont numérotées comme suit : territoire postal 1, territoire postal 2, etc.

la première représente les marais salants de la côte d'amour
il y est question de lumière oblique de septembre
le poème commence par ces mots : elle lança la vie par-dessus son épaule

la deuxième montre la grande forge de Buffon
pluie tonnerre forge tout se mêle
écrit Maryse

la troisième est une photo de l'Alhambra, Granada
je crois que c'est une mosquée
j'aime tellement les courbes les arcades
(moi aussi, Maryse)

la quatrième : le viaduc rue de Monthléry à Orsay
une photographie noir et blanc
paysage de ponts d'aqueducs de forêts de fenêtres

sur la cinquième, elle a commencé à écrire long, plus long, et a ajouté ("à suivre") un petit papier pour la fin de la phrase. 
La carte reproduit le visage d'une femme, image tirée d'une case de bande dessinée. De l'eau jusqu'au cou elle pleure mais annonce qu'elle s'en fout : plutôt couler que de demander de l'aide à Brad, est-il écrit en langue anglaise dans la bulle pensante. Cependant Brad est là, me rassure Maryse. Sur la plage, avec son acolyte, ils veillent la brune à la jumelle. 

le territoire postal 6 est de Jérôme Bosch : il s'agit d'une reproduction de Saint-Jacques et le magicien Hermogène. Par les mots de Maryse cela donne bouche d'oeuf, bec oblong, aile d'ange, escogriffe, papillon à fesses de biche et elle refait l'histoire : trois types viennent pour les vacances, surveillés par leur oncle et un de ses amis : petit rabougri
Maryse me parle à nouveau de la femme d'hier, baignée jusqu'à l'espace ouvert.

la septième carte, c'est un champ de blé de Georges Braque. 
revenir sur les lieux et voir le temps qui passe
grand remontoir de l'espace et du temps
et l'amie

la huitième, c'est le second cheval chinois de Lascaux II. courir courir une femme sauve son enfant de la cavalcade mufles et souffles et pour remercier la bête de lui avoir laissé la vie elle déposera sur le parvis de la grotte la terre brune et le liant
ce jour-là elle a tracé une fenêtre
clôt le récit

la neuvième expose le jugement dernier tel qu'on le voit à l'abbaye royale de Fontevraud, sculpté en tuffeau polychrome
ce tuffeau, justement : puiser aux carrières en pillant orsay direction st-germain en laye
un peu plus loin : 
c'est quoi cet amalgame de pierre et corps

la dixième carte m'envoie à Menton, Côte d'Azur. Il y est question de violette, dite timide, de multiples parfums.

la onzième, c'est Berlin, Potsdamer Platz. Et la forme d'une ville qui change plus vite, hélas... C'est une carte écrite dans un TGV en duplex avec arrêt à Angoulème ; paysage-ville d'arbres et d'herbes de champs de céréales quelques maisons passent

ah j'aime tant la douzième, carte publicitaire dont Maryse a maquillé la marque pour garder trip et, plus loin, ose. Elle représente des pieds avec chaussures de différentes couleurs (dont rouge, turquoise). Et Maryse me dit  plusieurs fois 
marche écris 
va parcours la terre de ton pas ailé

le territoire postal 13, ce sont douze bols impériaux. Au dos elle boit du thé, du bouillon, des herbes à tisane.

l'avant-dernière carte représente une toile de Christian Dotremont et Asger Jorn sur laquelle est écrit : Je lève Tu lèves Nous rêvons
elle rêve de cartes elle lève la main dit Maryse

la quinzième est une aquarelle, Clématite rose (Henri Berger, 1902). 
sont décliné(e)s ces roses qu'elle a tant aimé(e)s
la dernière phrase est pour moi
je n'ai pas su répondre aussi beau, aussi bien 
je n'ai dit que merci

mais voyez quel est mon trésor

dans le sac ce jour
quinze cartes quinze enveloppes
et des pétales de roses

vendredi 26 octobre 2012

Maryse















elle m'avait dit lundi j'ai des fenêtres à te donner et j'ai écrit le billet d'hier sans savoir où elle était partie l'ai su une heure après ai décidé de le laisser : il est écrit pour elle et au présent, voilà qui est très bien

elle nous a dit qu'elle écrirait la semaine suivante au semenoir nous nous sommes quittées dans un rire et je la crois je sais que oui ses textes sont là et bien là















reine du rebond 
de la surprise 
de l'écho
de la vibration

jeudi 25 octobre 2012

d'autres fenêtres









































Je cherche des photos pour toi, d'autres fenêtres, et ce qui me vient ce sont ces arbres, plantes dont tu connais chaque nom.



























Je cherche des baleines paysages, un hippopotame apparaît, il vit à Berlin peu importe, je cherche partout dans le monde ce qui se trouve à nos fenêtres.































Vrai, faux, je cherche ce que je n'ai pas vu, que les autres auront vu pour moi, ce qui s'absente, se réinvente, étend sa route à ton jardin.














une collection dépareillée








































fenêtre ouverte
passe le chat roux

vendredi 19 octobre 2012

Saint-Brieuc, dernière















Les ateliers sont terminés, le festival bien entamé. Dans l'intervalle j'ai collecté des fenêtres et des pavés.






















Les pavés, je savais que je les photographierais avant de partir. Les rideaux, par contre, je suis souvent passée sans les voir. Quartier résidentiel que celui de la maison de Louis Guilloux, dans lequel les rideaux sont blancs, les rosiers taillés, les travaux nombreux.


















Comme toujours, les parcours comptent des points d'attache : les fenêtres en avancée, avec colonnes, sont celles de la maison du boucher (gratin de courgettes carottes, hachis parmentier) ; la rue Chateaubriand, fendue en deux, mène à la place Saint-Michel, première étape vers le centre-ville.















Descendre, tourner à gauche, passer devant cet ancien magasin de meubles qui rappelle les garages, galeries.














Et donc, les pavés. Grande diversité, rebonds de la valise à roulettes en direction de la gare (discrétion garantie !). 





























Là, de quoi s'habiller, et un marchand de journaux (imaginer le monde, les poussettes, les vitrines, pulls, écharpes, robes et jeans).



































Enfin, avant de partir, se fondre un peu dans le décor/affiche, avec l'envie de revenir, de retrouver la ville,  et tous ceux rencontrés.

lundi 15 octobre 2012

Fenêtres de Saint-Brieuc #5



























































Ploufragan, Saint-Brieuc, fenêtres, fils et ponts : des lieux parfois difficiles à photographier, ceux que je croise, sans savoir au juste pourquoi. 
Se donner le temps de marcher hors plan, durant cette dernière semaine, tout en ayant maintenant quelques repères tangibles (la rue du Port, l'église Saint-Michel, la zone pavée piétonne et son manège ancien, la librairie Le pain des rêves, qui n'a pas de site, les Champs, qui en ont un, la rue qui grimpe vers la gare...) : peut-être.
Rapporter d'autres images ? Je ne sais.
Voix et silhouettes au  détour des rues vides : comment photographier le silence ?

samedi 13 octobre 2012

Saint-Brieuc, programme de la semaine















Derniers jours, déjà, et semaine entière à passer dans cette ville que je ne connais d'habitude que du lundi au mercredi. 
Outre le Conseil Général et le lycée Jean Moulin les premiers jours pour les ateliers, j'interviendrai jeudi, vendredi et samedi à la Cité des métiers de Ploufragan dans le cadre du festival Regardez-moi ce travail, organisé par la Ligue de l'enseignement des Côtes d'Armor.

En ce qui me concerne, voici  plus précisément le programme : 

jeudi (journée professionnelle) : 
10h30 (et non plus 11h, attention) Les écritures plurielles du travail, rencontre d'auteurs, avec également  Madeleine Ropars et Tatiana Arfel.
15h30 : Compte-rendu d'expériences d'auteurs en entreprise, avec Sylvain Coher et Anne Teissier, animatrice au Centre de culture populaire de Saint-Nazaire.
vendredi
17h30 : lecture de textes écrits lors des ateliers (que vous pouvez retrouver sur le blog Tenues d'automne)
samedi
10h30 : table ronde avec Tatiana Arfel, Agnès de Lestrade, Sylvain Coher et Sylvain Rossignol
16h-17h : lecture de textes écrits lors des ateliers















A actualiser Dans la Ville haute chaque samedi, et Tenues d'automne très régulièrement, je n'ai plus le temps de poster ici pour l'instant. Ca reviendra...
En attendant, ces photos de la mer, enfin, prises grâce à Véronique Gelot de la médiathèque de Plérin qui m'y a conduite après l'atelier de mercredi dernier, et que je remercie.

dimanche 7 octobre 2012

Fenêtres de Saint-Brieuc #4















Bientôt la fin, tu vois, déjà, je n'ai rien vu passer.














Chaque semaine, j'ai regardé cette maison d'en face sans réussir à la cadrer.














Jamais cherché à observer ses occupants, non.














Simplement je l'ai aimée.














Chat qui traverse, parfum de bois, flaques sur le toit terrasse.

vendredi 5 octobre 2012

des îlots, (oloé), vase communicant avec Virginie Gautier


Vent l’auvent par intermittence claque comme une voile un drapeau tu retiens chaque page calé dans l’ombre nécessaire c’est août l’air est brûlant presque aucune voiture sur le boulevard de longues plages de silence tu ne lèves pas la tête du petit format au milieu le bandeau de portraits poésie dans la rue c’est plutôt rare.




















En septembre trafic aura repris les piétons des étudiants nombreux les véhicules qui croisent au carrefour derrière la vitre du café tu apparais le temps du passage du bus sous son ombrage c’est histoire de reflet ainsi que tu lises et quoi nul n’aura le temps de s’en rendre compte te voilà à nouveau effacée repartie de l’autre côté.

Même si tu t’écartes tu prends du champ choisis la vue le banc les feuilles des arbres tout l’entourage se prête enveloppe ta lecture d’une lumière idéale mais quand passent les jeunes filles difficile de pas les regarder tu restes le nez en l’air longtemps derrière chacune.

Il faisait froid personne sur les bancs sauf elle en rouge évidente me suis mise à trembler devant elle rouge dans le froid seule de quel lieu est-elle en ce moment captive ou si c’est pour quelqu’un qui viendra tout à l’heure ou si elle me surprend à l’observer personne n’est venu et nous sommes restées chacune d’un côté de la grille et elle ne m’a pas vue.








Entrer dans l’espace déplié des pages parmi les bruits claquements de métal des machines à café plateaux empilés les voix surtout font une basse continue avec quelques éclats c’est le chant d’une cité un chœur de Suppliantes pour ton ouvrage quand tu ouvres la bouche égrènes parmi les autres ta parole je ne vois que tes lèvres qui bougent que sais-tu des bibliothèques antiques lieux de rumeurs et de bourdonnements.

De toi je ne sais rien je devine seulement la carrure un peu lourde reposée un livre dans une main l’autre sur le genou je ne sais rien que ce tee-shirt sali je t’ai trouvé de dos auprès d’une fontaine rien je te prête l’histoire d’un qui seul et seul a le temps de et regarde quand même sa montre sous les lierres auprès d’une fontaine dans l’endroit retranché du jardin.

Tu tournes ils surgissent arrivent en bout de course tu tournes pour un train qui part toutes les trois minutes tu tournes en moyenne impassible une page toutes les trois minutes pour le temps qui défile pour un train sur le quai tu tournes pour qu’ils arrivent encore et repartent au suivant tu tournes la suivante un froissement d’air un rien les ventiles les voilà repartis pfuitt en allés.


Virginie Gautier


Les images sont des captures d’écran de la vidéo « Les Ilots » ©Virginie Gautier 2005

*


Tu dormais et voilà que tu te réveilles peut-on lire au tout début, ou presque, du livre de Virginie GautierLes Zones ignorées, illustré par Gilles Balmet. Il fait partie de ces ouvrages, rares, dont on sait tout de suite qu'ils deviendront nôtres et dont on poursuit la lecture en étant sûr(e) de ne pas se tromper. 
C'est pourquoi je suis si contente d'échanger aujourd'hui lors des vases communicants avec Virginie, rencontrée il y a bientôt deux ans et qui a, ô hasard, travaillé à une époque à Saint-Brieuc. Ecrivain, mais également plasticienne et photographe, elle avait installé à la villa Rohannec'h en 1999 des miroirs derrière chaque fenêtre, des m2 de miroirs, m'a-t-elle-dit, oeuvre éphémère appelée Là/Ailleurs. Est-il besoin que j'ajoute quelque chose ?

Dire peut-être, tout de même, que nous avons choisi le thème des oloés (lieux où lire où écrire) et que le mien est donc chez elle, à cette adresse. Remercier également Brigitte Célérier et Pierre Ménard pour leur beau et patient travail de recension des textes.