dimanche 28 août 2016

Journal de l'été #8














En réalité, il s'agit d'un été passé au fond d'un lit ou presque - on va chez un médecin, un autre, dans un cabinet médical pour faire des examens, un autre, avec la peur qui s'interpose tandis que les résultats n'indiquent rien de probant. Le monde est donc réduit au corps, à la douleur, à la chaleur, au bruit dehors et à l'incertitude. L'esprit n'y est plus du tout, impossible de lire, écrire on n'en parle pas, tout juste y a-t-il moyen de regarder des films et essayer de sortir faire la photo du jour.














(voici la rue que j'emprunte pour aller à la piscine d'habitude. Un matin, je suis tellement fatiguée que je ne me souviens plus du titre du livre consacré à la nage que j'ai l'intention d'écrire l'an prochain. Heureusement ça revient)














Qu'est-ce qu'on peut faire ? Emprunter des DVD à la bibliothèque, trouver des films sur YouTube et se donner l'illusion de travailler quand même en regardant ou revoyant dans le désordre : Clash by night, Niagara, All about Eve, The Asphalt Jungle, Some like it hot, Let's make love, Gentlemen prefer blondes, Love nest, Don't bother to knock, Bus stop, How to marry a millionnaire, River of no return, Ladies of the chorus, Let's make it legal... Je donne les titres de ces films en anglais non par snobisme, mais parce que l'édition des DVD de Marilyn Monroe que je trouve ne comporte généralement pas de sous-titres en français, ce qui me pousse à les regarder en anglais sous-titré pour les sourds, description des bruitages et musiques incluse. 
J'aime bien - et ça me permet de lire quelque chose, mine de rien.

J'aime aussi ce passage de Clash by night où Peggy, ouvrière dans une poissonnerie, renvoie dans les cordes son macho de petit ami.


Les films dans lesquels elle joue me fascinent rarement, c'est pourquoi, à l'origine, je n'avais pas l'intention de les revoir. Il fallait tout de même se débarrasser de l'atroce VF que nous infligeait la télé quand j'étais adolescente. Découvrir, par exemple, l'étonnante voix de Marilyn dans Bus stop. L'accent du sud de son personnage, Chérie, la métamorphose. 
(bon, là, c'est sous-titré en portugais)


Intéressantes, aussi, à regarder : les bandes-annonces des films. On y découvre chaque fois comment l'actrice est traitée par Hollywood. C'est limpide même, comme si l'inconscient des producteurs était projeté sur l'écran. N'ayant pas encore revu The Misfits, que je ne connais un peu par coeur, je ne m'étais pas penchée sur son trailer. Eh bien c'est très révélateur, là aussi. Alors que le film a été écrit pour aider Marilyn Monroe à quitter son personnage de femme-objet, la bande-annonce opère un virage à 180. Arty, peut-être, pour l'époque sur le plan formel, mais totalement réducteur, et même faux.


Il me reste à revoir le film, ainsi que The Prince and the showgirl, dont je n'attends pas grand chose. 
Quoi d'autre de l'été ? Ceci : 



















fait-divers de plus de cent ans, transposé sous nos fenêtres d'aujourd'hui il y a quelques jours à peine













Bifurcation, alors, vers l'oloé 2.

Et puisqu'il est à nouveau possible de lire et d'écrire, je termine par ces mots du dernier roman de Thierry Beinstingel, Vie prolongée d'Arthur Rimbaud, qui m'accompagnent d'autant mieux que la sensation décrite s'estompe, me quitte, va disparaître, s'évanouir, nul doute ne saurait durer : 

Un corps malade est sans unité, réduit à un tas de chair et d'os plus ou moins décrépis. Il faut attendre la mort ou la guérison pour retrouver un semblant d'existence, un sens, une identité, un intérêt manifeste pour la grande communauté des hommes. La mort et c'est un nom à graver sur une pierre tombale, une date de naissance et l'année en cours. Ce sont des soupirs et des larmes, des souvenirs à égrener pour une ou deux générations suivantes avant un ultime effacement. La guérison et on peut participer de nouveau à la vaste société. On retrouve la position debout, les mots, la langue. 

C'est ça : debout et retrouver les mots, ceux des autres et les siens. Il est temps.

dimanche 21 août 2016

Journal de l'été #7














Ce n'est pas un mois d'août qui ressemble à ce que j'en vois sur les réseaux, photos de mer, sentiers, petits plats et lectures qui défilent, se répondent parfois. C'est un août réduit à peu jusqu'ici, le lit, le balcon, le quartier, des DVD aux traductions aléatoires, quelques salles de cinéma. De cette immobilité naît un défi très simple : prendre et poster une photo chaque jour pendant un an. Rien de révolutionnaire, rien de neuf là-dedans mais il faut s'y tenir, top là. Les photos notées n/365 passent sur les réseaux, elles aussi.

Que montrer quand on ne bouge pas ? Le monde qui vient à soi, dès le deuxième jour : 













MHD, qui habite en face (et tient ici, de dos, le tabouret sur lequel il vient de s'assoir), débarque avec son disque d'or. La cité rouge le fête, prend la pose au carrefour. Je ne suis pas la seule à photographier, loin de là. Après-midi d'afro trap, d'éclats du disque dans la lumière, smartphones et rires. 












C'est un jour de lessive aussi, autrement dit : de vie au balcon (à gauche, vision de la butte Bergeyre, à droite celle du soleil couchant). 













Voici la butte, justement, dont je fais le tour en dix minutes le lendemain et que je suis trop fatiguée pour photographier davantage : on se contentera des lampadaires des escaliers. 
De retour sur le balcon, cette vision du 15 août : 













Rien ne bouge plus désormais.
Ce qui reste ouvert, heureusement, c'est la page Facebook des Parisiens d'août de Stéphane Mercurio, que je suis chaque jour avec grand plaisir.
Ce qui vient à moi, c'est aussi ce qui s'invite quand j'arrive à écrire. Par exemple cette vidéo, découverte parce que je m'intéressais à la décomposition du mouvement par Edweard Muybridge : 


ou ces essais d'un professeur du MIT dans les années 50, qui me fascinent (double-cliquez pour la regarder en grand, c'est mieux) :



Tout est très ralenti, sinon.
C'est bien de décomposition du mouvement qu'il s'agit ce mois-ci, sans doute, oui. Alors continuer à regarder, même à marcher dix pas













et s'obliger à sortir pour voir













(ce qui fait l'été)