l'horloge de la gare de Chartres

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mardi 16 décembre 2008

Ni pensés, ni classés II : l'Art de s'installer


(je rappelle qu'il s'agit d'un feuilleton dont les héros sont des livres ni vraiment lus ni jamais rangés, retrouvés sur les étagères, demeurés improblables)


Ecrit par Gisèle Boulanger, acquis avant moi par Jacqueline Richard, publié chez Hachette en 1958, celui-là s'intitule L'Art de s'installer. Couverture de toile rouge passée, en très bon état même s'il pue, il explique par le menu tout ce qu'on doit savoir au moment d'investir les lieux :

tout savoir des revêtements en pierres naturelles, des matériaux perforés, des plafonds à poutres, des pièces au nord, des portes en cuir clouté, des cloisons coulissantes, des cheminées Régence, des vitrines de collectionneurs, des placards coiffeuses, des buffets-plateaux, des escaliers de verre, des stores à lamelles, des entrées-charmilles, des coussins à ressorts ou des lits jumeaux dans une chambre carrée

tout savoir des persiennes en pin d'Oregon, des tables à ouvrage, des lits parementés, des bars du sportif, des projets de cloisons, des éléments à usages multiples, des couverts faciles à entretenir, des tringles, des canapés d'angle, cafetières à long bec




pièces pour :
une femme peintre
un jeune compositeur
une femme de goût
une céramiste
un amateur d'air et de lumière
tout le monde à peu de frais.


Rien que pour ces listes il faudrait le garder. Mais il y a mieux : sans que j'y sois pour rien (je ne l'ai jamais beaucoup consulté), il s'ouvre de lui-même aux dernières pages consacrées aux fenêtres. Voyez plutôt :

Page 126 : La fenêtre de cette chambre a été agrandie aux dimensions d'un balcon qui est clos de vitres, à la manière d'une serre.

Page 127 : Trois petites fenêtres mansardées. Ce sont les plus modestes, mais souvent les plus attrayantes. Elles n'exigent aucun décor et toute prétention serait ici insupportable. Acceptons-les telles qu'elles sont, c'est le meilleur parti qu'on puisse en tirer. Il est parfois impossible de tricher avec l'étroitesse de l'embrasure.

Cette dernière phrase ouvre des perspectives, vous ne trouvez pas ? On dirait un sujet du bac.

Cependant Gisèle sait être péremptoire. Ainsi, page 126, alors qu'elle dissertait il y a quelques instants encore du petit boudoir "en plein ciel" (la fameuse fenêtre agrandie), nous assène-t-elle soudain qu'une vitre dépolie diffuse une lumière douce et peut, en certains cas, effacer une vue sans intérêt. Pan, dans les dents de la vue. Je me demande ce que madame Boulanger aurait pensé du trajet Colonel Fabien - Barbès-Rochechouart...












De fait, elle avait attaqué bille en tête le chapitre Fenêtres en nous avertissant : les voilages ne sont utiles que pour protéger d'un vis-à-vis indiscret, ou pour effacer une vue affligeante. Oui, effacer (encore, elle y tient), affligeante, vous avez bien lu. Et cette vue est nécessairement urbaine selon elle. Une branche d'arbre, un coin de ciel ne peuvent-ils être affligeants ? Apparemment non. Qu'est-ce qui est affligeant, dans la ville ? Elle se garde bien de nous le dire. Pas si courageuse, la dame.

(à venir, par ailleurs, le feuilleton 2009 : l'art de s'installer au 104!)

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