l'horloge de la gare de Chartres

l'horloge de la gare de Chartres

mardi 30 décembre 2014

Instin et moi

Un peu d'Instin pour terminer l'année ? 
La revue Hors Sol a demandé à plusieurs d'entre nous quel rapport ils ou elles entretenaient avec le général et propose donc un dossier Instin et moi dans lequel on retrouvera à terme des textes d'une vingtaine d'auteurs. Pour l'instant, on peut répondre à une enquête d'opinion diligentée par Christine Jeanney et lire un texte de Raymond Penblanc dans lequel l'auteur se demande si le GI ne serait pas une femme et s'il ne pourrait pas, à l'occasion, se couper en deux (tiens tiens...).

On peut également nous écouter, Joachim Séné et moi, nous poser un certain nombre de questions sur le général et ses particularités. Je voulais poster ici le texte que j'ai écrit à cette occasion mais je suis en train de me demander si je ne l'avais pas noté à la main, exceptionnellement, et si je ne l'ai pas égaré... C'est bien possible. Tant pis.
Ou alors tendre l'oreille pour le reconstituer ? Tiens, oui, essayons : 

Général, général, qu'est-ce qui me pousse vers toi comme ça sans prévenir ? Est-ce ton nom, général ? Est-ce toi en général ? Non.
Le général en général ne m'attire pas, ni le titre ni le nom (de général). Général général tu parles.
D'instinct le général me gênerait plutôt, tandis que le végétal, le minéral non. Alors je me demande : est-ce ta mort, général, qui te rend à mes yeux aussi particulier ? Est-ce ta mort, minéral, qui te rend végétal et si proche de nous ? Le général Instin qui a perdu son H serait devenu humain, non au moment de mourir mais au moment de le dire, c'est-à-dire toujours ?
Est-ce le nom de la mort que tu dis en riant, que tu dis en grinçant, que tu répètes encore qui nous rassure, nous ? Général, tu m'entends ? Est-ce ta mort en marche qui nous anime, nous, et te rend, général, plus doux qu'un végétal par le vent disparu ? A la terre tombé et mêlé à la brume, mêlé à nous vivants, nous sifflant aux oreilles sans rien changer au monde, du moins en apparence, comme on dit que les morts en général jouent ? Est-ce nous, général, ce H qui te manque ? Est-ce ton vertical, est-ce ton horizontal, corps perdu de la lettre qui tout à coup m'enchante ?
Mon général oblique et sans savoir pourquoi je le suis à la lettre.

*

La voix de Joachim comme des instants de pause, l'incertitude de la ponctuation initiale et même du genre de certains mots : écouter pour écrire modifie quelque chose ?
(à suivre en 2015, peut-être)

jeudi 18 décembre 2014

LVIR #12

A peine rentrée de Besançon, où j'ai donc vu Dita Kepler s'incarner 



















(grâce à Vidal)

où j'ai vu comment on peut danser et écrire, écrire et danser dans un même espace



















(Vidal Mathieu Caroline Magali)

où me sont apparus le géant, la jeune fille, Franck enfant et d'autres corps encore en dialogue avec les mots et la musique



















(Mathieu, Vidal, Rémi à la guitare)

où nous avons déambulé dans Besançon sous la pluie, écouteurs ou casque sur les oreilles, tous synchronisés pour découvrir la ville, marcher, se retourner, observer un passant, entrer dans les Galeries Lafayette, entendre des extraits du Décor du même nom, se retrouver, toujours unis par ce qu'il y a à entendre, autour d'une table dans un café












(Magali et Rémi de dos, photo de Caroline Grosjean)
(et à la fin de notre bande-son commune il y avait un extrait des Anamarseilles en cours d'écriture)



















pendant que, le soir, je rencontrais un lecteur de Ile ronde dont les réflexions provoquaient en moi un véritable écho, me rassurant sur le fait d'avoir écrit ce texte et de l'avoir fait de cette façon - je n'ai presque aucun retour sur ce livre pour le moment, ce qui n'est pas toujours simple

à peine rentrée, à peine à Paris, donc, je découvre, me rappelle que pendant tout ce temps il y a eu aussi du Laisse venir en l'air. A Besançon, bien sûr (cette courte résidence ayant commencé par des improvisations à partir de mes livres déjà publiés, LV a été évoqué parmi d'autres) mais aussi :
- à Marseille, grâce à Pascal Jourdana et à Esther Salmona qui ont consacré toute une Espace fine de Radio Grenouille à notre livre, émission que l'on peut réécouter ici
- à Rouen, grâce à Pascal encore, qui l'a présenté lors d'une journée de réflexion autour de l'influence des outils numériques sur le processus artistique, intervention que voici : 



... et moi je songe qu'en cette fin d'année, LVIR n'est pas au bout de ce qu'il a à dire. Qu'il ne s'agit pas de bilan mais de rencontres nouvelles, toujours, et de perspectives réjouissantes. Que 2015 sera l'année de la danse, par exemple - entre autres !
Le projet de la compagnie les Pièces détachées, conduit par la chorégraphe Caroline Grosjean, s'appelle Diptyque. Voilà, je l'inscris ici et me dis : le travail commence.

mardi 16 décembre 2014

LVIR #11



















Au moment où j'écris ces lignes, la compagnie Les Pièces détachées est en train d'improviser à partir d'un extrait de Ile ronde, monologue de la jeune fille fatiguée par ce beau parleur d'aviateur qui lui vrille la tête. Nous sommes à Besançon, à la Rodia.
Ce matin, dans ces lieux, j'ai vu Dita Kepler apparaître, se courber, se cabrer. Hier, le géant sortir de son puits.
Hier Laisse venir a croisé Franck, à mon grand étonnement.

Au moment où j'écris ces lignes, c'est l'homme inquiet de Fenêtres qui surgit sous une forme double, homme, femme, femme gracile, homme grand, incarnant à eux deux par éloignements, par rapprochements ce voyageur qui ressemble à Humpty Dumty, crie sur le quai parce qu'il est sourd, parce qu'il a peur que le métro parte sans lui, ou avec lui, que les portes se ferment, s'ouvrent... 

Au moment où j'écris : j'écris "en direct",  sans recul, en écoutant les voix, la musique, les touches du clavier. J'écris et je regarde, j'écoute et mes livres se transforment, quelque chose se déplace, devenu matériau.

lundi 1 décembre 2014

LVIR #10












Ce matin, grande avancée (du moins je l'espère) : j'ai accepté d'être filmée, ce qui n'était plus possible pour moi depuis quatre ans, pour parler de Laisse venir. Je ne sais pas si je regarderai l'émission, dont on ne connaît pas encore la date de diffusion, mais au moins voilà : pas de panique face à la petite caméra de Un livre 2.0, la déclinaison web de Un livre un jour, et ce grâce à l'écoute, au regard de Delphine Japhet, et à Pierre Ménard bien sûr. 
Ce Laisse venir progresse, est en train d'exister vraiment nous disions-nous ensuite, tous deux. Le 8 décembre prochain, d'ailleurs, Radio Grenouille diffusera à 18h l'émission Espace fine qui lui est consacrée. Pierre, de son côté,  a de beaux retours sur le texte. 



















(et puis il y en a certains qui l'achètent en librairie, même, figurez-vous !)

La nuit tombe. Avançons. C'est ce que je me dis, en laissant de côté tout ce qui ne prend pas.
Ainsi, oui, ce billet est court précisément pour ça : ne pas s'apesantir sur ce qui par ailleurs pourrait entraver, freiner, arrêter l'élan si on ne luttait pas contre - en silence.

mardi 25 novembre 2014

LVIR #9



















Ces derniers jours, c'est du côté du sud, du côté Laisse venir qu'arrivent les bonnes nouvelles. Ainsi, juste avant notre intervention à la villa Méditerranée, le livre a eu droit à un bel article de la Marseillaise, sous le titre Trip numérique
Il va encore se passer une ou deux choses (ou peut-être davantage, encore, qui sait ?) ces prochains temps. En attendant, nous étions donc hier, Pierre Ménard, Pascal Jourdana et moi à Marseille pour parler du livre, dire quelques mots de la genèse, des modalités d'écriture, évoquer également le travail de Roxane Lecomte et Jiminy Panoz pour parvenir au résultat final. 



















Le temps était très doux, l'écoute belle. Sans l'avoir prémédité j'ai parlé à un moment de ce qui est peut-être le plus complexe dans ce que j'ai écrit mais me tient le plus à coeur (j'y reviens, oui) : l'adresse en parallèle à plusieurs tu dont le lecteur ne sait au juste s'ils représentent des hommes, des auteurs, des textes, des paysages. Dans le texte, j'ai posé quelques balises. Ainsi, quand je parle à Pierre Ménard, qui est l'un de ces tu, c'est très clair. Mais ce n'est pas toujours ainsi, loin de là. 
(s'adresser à Pierre Ménard est-ce bien clair, nonobstant ?!)

Une petite voix continue de me dire : tu perds ton lecteur. Une autre lui répond : Je m'en fous. Une troisième intervient, qui dit : je ne m'en fous pas, non, mais ne veux pas aplanir, simplifier à l'extrême. C'est cette complexité qui m'intéresse. A qui je m'adresse quand j'écris ? A personne ? A quelqu'un à qui j'ai un message à faire passer ? (non : si c'est ça je lui envoie un mail) A quelqu'un que je réinvente, qui se met à prendre plusieurs formes ? A plusieurs qui deviennent un ? A ce qui m'accompagne, me bouscule, me pose question ? 

En montant au panier, en allant à la gare, en traversant la friche, en n'ayant pas le temps de revoir le parc Longchamp, Marseille me renvoyait la balle, me disant : tu ne t'occupes pas de moi. Pas assez. Mais tu es là, à l'angle, en embuscade, patience ça va venir répondais-je. Tout cela dans ma tête, dans la marche, en parlant, racontant autre chose, en notant les transformations des façades, les graphes restés en place, les fenêtres nouvelles de la Marelle. 



















C'était doux  il faisait beau. Nous nous sentions compris.

jeudi 20 novembre 2014

LVIR #8

Il y a des jours où je me dis qu'il vaut mieux aller nager qu'entamer ce billet de blog énervée ou inquiète, et j'espère que pendant les longueurs une ou deux choses vont s'arranger. Parfois ça arrive. Alors je ne poste ici que ce qui avance, permet d'avancer, faisant abstraction du reste, pourtant présent bien sûr. 
Ai-je raison ou tort ? 

Ciel ? Terre ? Jouer à la Marelle, lancer un caillou, sauter par-dessus les cases ?



Après quelques brasses arrive par Twitter ce lien d'un universitaire de Montréal, Marcello Vitali-Rosati vers un article qu'il consacre à Laisse venir. Il y est écrit : La Littérature ouvre une voie/un passage afin de structurer le monde. Si Google maps est un outil qui risque de devenir la structure architecturale de notre monde (la seule, la vraie), la littérature est un geste de réappropriation : l'écriture de Pierre Ménard et d'Anne Savelli produit autrement l'espace entre Paris et Marseille, de sorte que Google ne soit pas le seul à le structurer. Car l'espace est une série de relations entre objets, des relations que nous créons en habitant cet espace même. Et l'écriture est justement une production de relations. 
Ou encore, à la fin du billet : La rencontre avec les autres et la superposition de plusieurs voix est très présente dans les textes d’Anne Savelli. Une fusion de voix, un texte multiple, un je qui devient tu, un parler qui devient laisser parler. 

Comme d'autres, je m'inquiète de savoir ce qu'on peut comprendre de mes derniers textes - et des prochains, nécessairement. Ce "laisser parler" que Marcello Vitali-Rosati perçoit, à l'oeuvre dans Laisse venir en effet, je suis heureuse qu'il le remarque : alors que j'aurais pu me contenter de décrire des souvenirs ou d'effectuer un tracé logique d'une ville à l'autre, j'ai voulu tenter autre chose, laisser le présent de l'écriture, ses obsessions, ses distorsions traverser le texte. Je n'ai pas pu faire autrement, d'ailleurs : des strates composaient le voyage, de temps mais aussi des mouvements intérieurs, des tiraillements, des questionnements dont je voulais restituer le niveau de complexité. Qui me parle, au moment où j'écris ? Comment agissent les livres lus, la vie personnelle, la déambulation dans Street view, la fiction que les images proposent, les réminiscences, les oublis ? Que faire des réflexions que je peux mener de mon côté sur le personnage ou le décor dès lors qu'elles tapent à la porte, s'invitent dans le texte, insistent ? Faut-il les écarter pour ne suivre qu'un fil ? Et lequel ? Peut-on, dans ce type de projet, ne suivre qu'un fil ? Est-ce intéressant ? Et comment Laisse venir traverse-t-il, de son côté, le présent de l'écriture ? Elles se sont imposées, ces strates, sont devenues le véritable cheminement. Faire virtuellement le trajet Paris-Marseille, si virtuel signifie "qui n'est qu'en puissance, qu'en état de simple possibilité" et/ou "qui comporte en soi-même les conditions de sa réalisation : potentiel, possible" (définitions du Larousse) c'est s'ouvrir à tout ce qui peut constituer le voyage, oui.

Nage en ligne droite pour écrits sinueux, n'est-ce pas ?
















Auparavant, avant la piscine où j'ai tenté de noyer les inquiétudes sur la vie matérielle de mes livres (et la mienne), avant la découverte de l'article également, j'ai fait quelque chose qui m'a procuré une très grande joie : j'ai terminé la relecture du Journal du Blanc, version papier des articles que j'avais postés ici au printemps, texte augmenté, retravaillé, et je l'ai envoyé à une première lectrice qui se reconnaîtra.
On passe des semaines, des mois, parfois des années sur un texte et brusquement, voilà, on s'en délivre. On fait place nette. Bien sûr rien n'est jamais fini, et même publié un texte ne se laisse pas oublier. Mais il y a un instant (ici, une minute), de légèreté, de douceur, avant les questions, voire les doutes.
Ce qui m'a inquiété, dans le JdB, contrairement à Laisse venir et à Ile ronde, c'est la trop grande facilité avec laquelle il est arrivé jusqu'à moi : jamais contente, n'est-ce pas ?! Il n'est effectivement pas très compliqué : j'y raconte surtout ce que je fabrique au logis du gardien du palais de justice du Blanc, c'est-à-dire lire, écrire, traverser les pièces une tasse de café à la main en me demandant ce que je fabrique, attendre la BOX, faire des photos, colorier les sets de table du café du Centre, animer des ateliers au lycée, aller voir le coucher de soleil. Passer des articles postés ici, avec liens et photos, à un texte "papier" qui les introduit, les précise, a modifié quelque chose cependant : le statut de ce qui n'est pas dit. 
Mais j'y reviendrai, peut-être...

mardi 11 novembre 2014

LVIR #7

Ca commence à s'agiter du côté de Marseille, pour Laisse venir : avec Pierre Ménard, nous allons présenter le livre le dimanche 23 novembre à 15h, lors du festival Image de ville, à la villa Méditerranée. A cette occasion, Esther Salmona et Pascal Jourdana, qui animent Espace fine sur Radio Grenouille, vont nous consacrer une émission. Davantage qu'une nouvelle émission littéraire, Espace fine est une proposition de création radiophonique est-il précisé sur le site et j'ai donc hâte de savoir ce que cela va donner ! 
... D'autant que j'ai déjà entendu Esther lire ses textes et m'en souviens bien. Ce fut lors de la soirée consacrée à la revue d'ici là que Pierre avait organisée en mars 2010 à l'espace Château Landon. En suivant ce lien, on peut en retrouver des extraits en vidéo  : lectures d'Esther, donc, mais aussi d'Arnaud Maïsetti, de Mathieu Brosseau et de Joachim Séné (de mon côté, j'avais lu un oloé).




J'ai pratiquement toujours participé à la revue d'ici là, n'ai "raté" que le numéro 4, et suis évidemment triste d'apprendre qu'elle s'arrête, ainsi que Pierre l'a annoncé hier, même si je comprends fort bien ses arguments. Il y eut ces numéros, cette soirée à Château Landon ou encore les lectures que nous avions faites avec Joachim au salon de la revue pour la présenter, il y a trois ans : des textes de Michel Brosseau, Joachim, Claude Favre, Anne-Marie Garat, Jérôme Orsoni, François Bon, Christine Jeanney, Pierre, Martine SonnetMaryse Hache, Christophe Grossi et même un extrait de Dita Kepler. Je tape ces noms, je retrouve ces liens et me dis : c'est fou ce que nous aurons mis en ligne de "contenu", pour reprendre le mot chéri de la ministre, en quelques années...
(et je me souviens de Maryse, qui était venue nous écouter)
















D'ici la fin de d'ici là (encore un numéro à paraître) il y a, il y aura d'autres choses à venir, ou déjà arrivées. Ainsi, depuis quelques jours, peut-on trouver en librairie le (disons-le) parfaitement jouissif  livre de Juliette Mezenc, Elles en chambre, paru aux éditions de l'Attente après une première apparition chez D-Fiction. En référence, bien sûr, à Virginia Woolf, Juliette nous fait visiter les chambres d'écriture d'un certain nombre d'écrivaines, dont Nathalie Sarraute et Hélène Bessette. Elle nous a également demandées, à Cécile Portier, Liliane Giraudon, Marie CosnayChristine Jeanney, Emmanuelle Pagano et moi, d'écrire un court texte sur le sujet, inséré à la fin du livre. Je suis extrêmement heureuse et fière de cette invitation. Par pur plaisir et pour prolonger la lecture, j'enregistre d'ailleurs en ce moment, avec l'accord de tous, des extraits de Elles en chambre sur Bobler (mon nouveau joujou). Voici les liens qui mènent vers :
les premières lignes du livre
un passage moqueur sur les romans de Danielle Steel
le bistrot de Nathalie Sarraute
Hélène Bessette, ou l'urgence d'écrire



















Avant de conclure (j'ai fait long, et si vous cliquez sur tous les liens vous ne risquez pas de vous ennuyer avant un moment !), dire encore que sur les photos qui illustrent ce post on peut voir des papiers poncés de Régis Perray, photos prises à la galerie Gourvennec Ogor, à Marseille, où j'étais venue faire une lecture en compagnie de Delphine Bretesché. Rien d'étonnant à ce que je les utilise ce soir pour cet article : elles me rappellent la ville, bien sûr, mais aussi Dita Kepler (j'avais lu un extrait d'Anarmarseilles, incluant la phrase qui ouvre Ile ronde) et même le journal du Blanc, mais oui, sur lequel je retravaille hors ligne ces jours-ci et qui mentionne cette soirée.
Tout comme je ne peux pas terminer ces lignes sans mentionner ce qui fait ma joie ces jours-ci : le site de Virginie Gautier, qui est à son tour en résidence au bord du lac de Grand-Lieu et nous en donne des nouvelles quotidiennement...

mardi 4 novembre 2014

LVIR #6

Hier le géant de l'île, qui jusqu'ici dans mon esprit mangeait des vers, de la terre et des racines, est brusquement devenu un ogre. C'est Brigitte Celerier qui, parlant de mon livre sur son blog, plus exactement ici, a opéré la métamorphose. 
Qu'elle en soit remerciée, et à plus d'un titre.















Le géant, un ogre ? Voilà qui m'a poussée à réfléchir. La jeune fille aurait-elle peur, le délivrant de son puits, de se multiplier par sept et de se faire égorger comme les filles de l'ogre dans Le Petit Poucet ? (le mot ogre, que Brigitte répète plusieurs fois, mène en effet dans mon esprit à la gravure ci-dessus de Gustave Doré)

Je me demande si je ne vais pas, un jour, multiplier Dita Kepler par sept, pour voir (ou la diviser, c'est pareil).

En attendant je pense à cette peur de la dévoration, qui est certainement présente dans Ile ronde, même si je n'y avais jamais songé de cette façon. C'est peut-être la raison pour laquelle la jeune fille refuse d'écouter le géant quand il s'adresse à elle ? L'une des raisons, en tout cas ?



















Se multiplier, se diviser... Je surfe un peu et je découvre que la nouvelle de Marcel Aymé, Les Sabines, grâce à laquelle j'ai appris ce qu'était le don d'ubiquité lorsque je l'ai lue après Le Passe-muraille (je devais avoir dix ans) est d'abord parue dans Je suis partout. Voilà qui n'a rien de drôle, est simplement sinistre, passons.



















Je change de cap. L'ogre s'éloigne, les sept filles aussi. Je pars dans la forêt avec Gustave Doré qui m'offre au bout du chemin l'escalier du château de La Belle au bois dormant, vision ensoleillée reliant la pierre à la terre. C'est exactement le point de jonction entre le lac et la Sénaigerie, me dis-je : là où Dita Kepler se scinde en deux, devient le géant et la jeune fille. Dita qui, dans la chambre rose, est si près de l'absence, du rien, du vide... Qui ne se réveille que lorsqu'elle approche de la forêt, du lac...
Mais bref : si je poursuis mes divagations je vais perdre tous ceux qui n'ont pas lu le livre, n'est-ce pas ?
(les paumer, dirait Brigitte Celerier)

samedi 1 novembre 2014

LVIR #5

Au 1er novembre, Ile ronde, en service de presse ou non, semble être arrivé chez certains par la poste à la vitesse de la lumière. Quelques uns m'écrivent pour m'en faire part. La sortie d'un livre, c'est toujours l'occasion de reprendre contact, de prolonger, d'espérer des rebonds...
(de Laisse venir je parlerai une autre fois)
Ainsi, accompagné de Décor Lafayette, se trouve-t-il désormais chez Maria, à Bratislava - et ce pour un prix défiant toute concurrence, puisque sur les conseils d'un facteur j'ai utilisé un tarif "livres et documents" qui a fonctionné (1,50 euro environ). La mention ne figurant pas sur le timbre, je l'ai ajoutée en dessous au stylo (toujours sur ses conseils) et hop, tout le monde en Slovaquie !














Chez d'autres, le voilà bien accompagné.

Et il y a encore la châtelaine de la Sénaigerie, qui m'envoie un petit mot ce matin pour dire qu'elle l'a aimé, ce qui me fait particulièrement plaisir (je ne peux m'empêcher d'imaginer alors un exemplaire traînant quelque part dans la salle du bas, là où les clients prennent le petit-déjeuner...).
Sans oublier le premier article, qui paraîtra le 7 dans la revue Place Publique et propose la plus belle coquille qui soit (on sent que le rédacteur, dont je ne connais que les initiales, T.G, aime la lettre a) :

L’association L’Esprit du lieu accueille des écrivains en résidence d’auteur. Anne Savelli, qui a notamment publié Franck (Stock) et Décor Lafayette (Inculte), a séjourné à Bouaye, au château de la Sénaigerie, à deux pas du lac de Grandlieu, comme l’avait fait, il y a peu, Sylvain Coher, à Saint-Lumine-de-Coutais. Chacune de ses haltes a donné naissance à un mince volume qui répond au même cahier des charges, ainsi énoncé par Anne Savelli :
« Ce lac il faudrait en parler. Ce n’est pas n’importe qui non plus. Ce lac, qui en parle le mieux ? Les pêcheurs, les chasseurs, les écologistes ? Les pilotes d’avion, les guides touristiques, les habitants, les poissons, les oiseaux ? Les microparticules ? Faut-il le voir de haut ? L’approcher par les champs ? Faut-il y mettre la main, le pied ? En fendre la surface en canot à moteur ? »
Anna Savelli a choisi l’approche aérienne. Non seulement parce qu’elle met en scène Data Kepler, un personnage du jeu en ligne Second Life, l’avatar de l’écrivain en somme, un être virtuel qui survole les côtes avant de tomber à Grandlieu. Mais aussi parce que, selon l’antique tradition des quatre éléments, son récit est tout entier habité par l’air, tandis que celui de Sylvain Coher nous attirait au pays des eaux dormantes, dans un « entre-deux d’eau et de terre ». Question de tempérament. À vrai dire, ce point de vue d’en haut est celui de bien des Nantais quand leur avion décolle de l’aéroport tout proche. Ceux d’entre eux qui auront lu Anne Savelli s’offriront à travers le hublot une vision renouvelée : « D’ici le lac s’épanouit, papillonne, ouvre deux ailes autour d’un corps très mince, canal qui serpente comme une colonne de fumée. Se rétracte, se contracte, en hiver, en été. Joue des couleurs et de son miroitement. » Les livres sont aussi faits pour laver notre regard.

Anna, j'y avais déjà eu droit, je crois. Mais Data Kepler, pour un avatar, c'est beau !

Livres arrivés par la poste, disions-nous... Et en librairie ? Apparemment, c'est un peu long quand on le commande, et je n'ai pas encore la liste des lieux où l'on peut le trouver. Par contre, il est possible, me dit mon éditeur, de l'acheter sur le site de joca seria en suivant ce lien. Toute commande effectuée avant 16h est expédiée le jour même et sans frais de port, me prie-t-il de préciser. Voilà qui est fait.

(ce post a l'esprit pratique, n'est-ce pas ?!)

vendredi 24 octobre 2014

LVIR #4

Plus court, plus court, ce quatrième épisode !
Où je demande des adresses pour l'envoi des services de presse. 
Où je songe que Ile ronde = numérique + nature + légende + dialogues de théâtre en pensant que peut-être aucun de ces "milieux" n'y trouvera son compte... 



















ou peut-être que si ? Comment savoir ?
Je songe à une discussion que j'ai eue hier après-midi avec une éditrice qui n'a pas pris Décor Daguerre car elle publie des romans qui suivent davantage "un seul fil", mais m'a confirmé ce que je pensais : ce n'est pas ma voie, de toute façon. Ma voie est dans cette sorte de prolifération ordonnée. Je trouve que la photo ci-dessus résume assez bien la situation.

Dans le métro, je note quelques phrases, début d'un projet en cours qui n'est pas le même que le livre que j'ai commencé à écrire. Ni le texte sur Londres. Il faudrait encore faire un mail collectif, pour Ile ronde... Et pour Laisse venir ? Que peut-il se passer de plus en attendant le 23 novembre, date de présentation marseillaise à la villa Méditerranée ?
Les phrases du métro me reviennent en tête...
Ah, c'est sans fin.

jeudi 23 octobre 2014

LVIR #3

Or donc, c'est le Jour J, celui de la sortie d'Ile ronde, et depuis hier j'ai mille choses à écrire ici, qui sont et ne sont pas liées à cette parution. Je me rends compte, par exemple, que la mise en ligne quotidienne de ce journal pousse à évoquer ce que d'habitude je mets de côté, en particulier ce qui ne fonctionne pas, ne se fait pas, pour me concentrer sur ce qui existe. Mais j'y reviendrai.















(je devrais être un peu comme ça, aujourd'hui, non, à parader sur mon tapis rouge ?!)

Bref... Hier, donc, sortant de la poste - deux livres et un manuscrit envoyés, je me suis dépêchée pour aller visiter les Ekluz, lieu consacré à la création numérique, ouvert dans mon quartier depuis peu. C'est en effet la Digital week France (eh oui), d'où la possibilité de rencontrer les entreprises et artistes associés. J'y allais, à vrai dire, pour voir le film de 13 minutes consacré au roman d'Olivier Hodasava, Eclats d'Amérique, intitulé Dreamland


film qui, je l'espère, pourra bientôt être diffusé ailleurs.
J'y ai au passage découvert le travail assez fascinant d'Albertine Meunier, qui crée des objets "physiques" représentant ce qui, dans nos vies, tient de l'immatériel. Ainsi a-t-elle publié un livre contenant toutes ses recherches sur Google pendant quatre ans : quel portrait de soi plus intime, plus révélateur, plus impudique peut-être aussi ? Ou encore : si vous envoyez un tweet dans lequel se trouve le mot ange, une ballerine, quelque part, se mettra à tourner sur elle-même... Elle peint également des aquarelles à la manière d'Eugène Boudin mais inspirées par Street view, et invente tant d'autres choses encore (j'en garde pour moi, ne dis pas tout : allez voir !).
Nous a aussi été présenté le Water light d'Antoine Fourneau, mur composé de plusieurs milliers de Led s'illuminant au contact de l'eau (j'avais bien envie de prendre une éponge et d'essayer, n'ai pas osé).

Je suis ressortie de là avec l'impression, une fois de plus, de comprendre davantage la façon de penser des créateurs numériques que de certains du "papier" qui me parlent surtout d'argent, de manque d'argent, plus tellement d'écriture. Pas tous, bien sûr, et tous le déplorent, mais enfin, le fait est : ce qui est de l'ordre du lien, de l'extension, de l'arborescence dans ce que j'écris ils ne m'en parlent pas, ou très peu. 
Je parle écriture avec les numériques, et depuis longtemps déjà, parce que celle qui nous intéresse a tendance à déborder du cadre et que ce n'est plus la peine de vouloir la contenir. Trop tard, me dis-je : nous avons goûté à autre chose... Sur ce blog, dans la marge de droite, se trouvent ainsi des liens vers les auteurs que je suis depuis des années, qui publient parfois papier, parfois autrement, des livres numériques, des blogs, des sites. Dessinent, traduisent, codent, photographient, découpent, copient-collent (il faudrait d'ailleurs que je la mette à jour).

Je suis ressortie de là avec de l'énergie, moi qui n'en avais plus beaucoup, et voici ce que ça a produit : je me suis rendue à la boucherie située entre les Ekluz et chez moi, lieu devant lequel j'étais toujours passée sans entrer. Passionnant, me direz-vous. Oui : c'était l'heure de la fermeture et pourtant le boucher avait envie de faire la conversation. Il m'a demandé mon métier. Je n'ai pas commencé par le dire, mais comme il insistait...
Tout à coup, il a ouvert la bouche et ne l'a plus refermée. A mentionné un peintre, Alexandre Hinkis, également décorateur de cinéma (j'ai dressé l'oreille), à cause d'un livre que les héritiers cherchent à faire paraître. Dans la boutique vide (seul l'apprenti, tout jeune, était présent, écoutait sans rien dire en souriant), le boucher m'a parlé de l'importance du vert émeraude, des maquettes de ce peintre, de Trauner, etc. Tout ça parce que j'avais répondu je suis écrivain et qu'il a embrayé sur les ventes et les pourcentages, la difficulté à trouver un éditeur.
Il s'est enflammé, est parti dans l'arrière-boutique, est revenu avec des catalogues. L'apprenti rangeait tranquillement, souriait toujours. C'était merveilleux. Et il ne va pas s'envoler, le boucher, je peux retourner parler peinture, atelier, décor quand je veux !

Moins merveilleux : à minuit, j'ai découvert fortuitement que ma candidature à la Mission Stendhal, pour partir à Londres, n'avait pas été retenue. Coup dur, forcément. Dans ces cas-là, je réagis tout de suite très mal et ça dure la nuit. Ensuite je me lève...
Ensuite je me lève et c'est le jour J pour Ile ronde. A huit heures, je poste un lien vers le site de l'éditeur. L'information est likée sur Facebook par un élève du collège du Havre rencontré trois fois en atelier il y a quelques mois : voilà mon tapis rouge.

mercredi 22 octobre 2014

LVIR #2

C'est la veille de la parution de Ile ronde, mon huitième livre publié. Est-ce que ça me fait quelque chose ? Moins qu'avant, ai-je l'impression ce matin, surtout à ignorer encore dans quelles librairies il sera disponible : je ne peux me le représenter. Pour l'instant, il ne s'inscrit encore nulle part.
On l'a vu, cependant, sortir des cartons à la médiathèque de Bouaye, ainsi que le raconte Joachim Séné sur son site. J'en ai également apporté des exemplaires à Mathilde Roux ainsi qu'à Virginie Gautier qui va me succéder à Grand-Lieu, retrouvailles chaleureuses qui signaient comme le début de la vie du livre. 
Et puis, je l'envoie aujourd'hui, accompagné du précédent, à Brastilava, en espérant qu'il arrivera.


















Il part chez Maria, dont j'ai déjà parlé ici, ancienne bibliothécaire de Montreuil retournée vivre dans sa ville d'origine et avec laquelle j'ai gardé le contact. Ce lien, indépendant de tout (du milieu de l'édition, de la presse, des résidences, de je ne sais quoi encore), c'est lui, ce matin, qui concrétise, rend réel cette parution. C'est lui qui me restitue un peu de légèreté, me laisse imaginer quelque chose de la vie du livre.

Parce que sinon, c'est encore à Décor Daguerre que je pense, que j'ai décidé de renvoyer en lecture. Cette non-parution, c'est comme un trou, un manque. Par moments, ça ventouse, pompe toute énergie. Il faut sans cesse faire abstraction de ce qui ne se passe pas, n'arrive pas, ne s'incarne pas. Attraper tout le reste.
Comment faire pour ne pas s'user, continuer ?
Allez, à la poste.

mardi 21 octobre 2014

LVIR #1 (journal)

Je ne sais pas du tout pourquoi j'entame ce matin un nouveau journal sur ce blog. Ou plutôt si : pour donner du sens à ce qui se passe, ces publications, l'automne qui se dérobe, les projets lointains.















LVIR comme journal de Laisse venir Ile ronde ou : elle vire (de bord, tourne autour d'abord mais c'est pour mieux viser le large, enfin l'espère).
Donc un nouveau journal, parce qu'aussi j'ai perdu la ville haute, sans doute définitivement. Une négligence, cet été, je n'ai pas renouvelé le nom de domaine à temps et on me l'a volé, un robot où je ne sais qui l'a racheté pour ne rien en faire, le revendre cher à qui en voudra. Depuis, plus rien n'est accessible. Un an et demi de travail envolé.
Ce matin, Juan Clemente, le créateur du site, m'envoie les fichiers, sons et images, qu'il a conservés. Que faire de tout cela maintenant ? Je pensais que personne ne le visitait plus, ce site-objet-clos. Apparemment les statistiques me donnaient tort (cinquante tentatives de connexion le mois dernier). Je ne cesse de développer des projets, de travailler dans plusieurs directions parce que c'est dans ma nature mais aussi parce qu'il est impossible, quand on veut ne faire qu'écrire, de ne faire qu'écrire. Il faut sans cesse se démultiplier, tenter tous les supports pour avoir une chance d'espérer continuer














à joindre les deux bouts, n'est-ce pas ?
(le lien ci-dessus renvoie à un texte éclairant de Carol Zalberg sur l'écrivain et l'argent, intitulé Le complexe de trivialité)
Ou alors il faut s'appeler Joyce Carol Oates, qui répond quand on lui parle de sa productivité et qu'on s'étonne qu'elle puisse écrire trois livres en même temps : 
Franchement, je ne vois pas ce qu'il y a là d'étonnant. Je suis écrivain, j'écris. Je ne sais pas combien de livres j'ai écrits, je ne compte pas, cela ne m'intéresse pas. Les artistes font ce qu'ils ont à faire. Picasso ou Monet savaient-ils combien de toiles ils avaient peintes ? Les photographes savent-ils combien de photos ils ont prises ?
J'écris moi aussi, parfois, trois livres en même temps. Mais ça ne me suffit pas encore, ni financièrement (c'est sûr) ni même artistiquement - la ville haute fut une prolongation de Franck pour garder la main, s'abstraire de la publication du texte mais aussi en faire autre chose, avancer encore.

J'écris pour et contre l'éparpillement : un mouvement semblable. 















(pour la conservation, cependant, on repassera)  
Et donc LVIR, un nouveau journal, alors que j'ai entamé depuis peu encore un livre et qu'il faut s'occuper de quatre autres minimum (à faire publier / à terminer / à concevoir, je n'y reviens pas car on les trouve dans ma rubrique Crossroads, pour certains). Un journal de publication de Laisse venir et de Ile ronde, mais qui parle d'autre chose, en tout cas pour l'instant.
Je pensais hier, en comprenant que la ville haute était morte (à moins d'un miracle) que c'était étrange tout de même : le temps passé sur les réseaux à poster des choses volatiles, d'un côté et cette négligence de l'autre, entraînant la fin d'un objet clos, lequel a beaucoup compté. 
La question du présent perpétuellement se pose.

mardi 14 octobre 2014

entre

Entre deux livres, donc, celui qui sort en numérique, celui ne paraît pas encore mais très bientôt (neuf jours),
entre Marseille et Nantes, la villa La Marelle et le château de la Sénaigerie,
entre la ville et le lac, l'anamorphose et la scission (états divers de Dita Kepler),
entre le voyage virtuel par Street view (Laisse venir) et dans les airs (Ile ronde),
entre les deux il y a encore la rue Daguerre qui serpente (pourtant droite), Londres en début d'année (peut-être peut-être pas) et l'éternelle question comment gagner sa vie trouver l'équilibre mystère.
La sortie d'un livre c'est toujours des vertiges.



















Je me disais en travaillant pour la lecture à la Montagne que Laisse venir et Des Oloé avaient des points communs : ces vertiges-là y sont. On m'a fait remarquer après la lecture à Bouaye (Ile ronde) que décidément j'aimais bien les géants, les avions et les faire parler : oui. Entre tout cela il y a ce que raconte Décor Daguerre. Un instinct me pousse à croire que le point de jonction est là, mais il me faut du temps pour le comprendre, l'expliquer : je ne saurais en dire davantage pour l'instant.

Sans doute est-ce à cet endroit, là, précisément, que s'en vient jouer la publication - je veux parler de ce que ça transforme en soi, dans le texte et d'un texte à l'autre. Ce sont trois choses différentes mais soudées : une publication modifie quelque chose à l'existence, bien sûr, ne serait-ce que par les rencontres, les déplacements qu'elle provoque (par publication, alors, j'entends aussi celle sur blog. Et je m'en vais à l'instant cliquer sur "Publier", bouton orange et blanc). Elle change évidemment le texte, même à peine, que ce soit avant (les corrections, les remarques des éditeurs) ou après (je me souviens de qui avait vu dans Fenêtres une fenêtre qui n'y était pas). Quand on en est à plusieurs livres, voilà que ceux d'avant se retrouvent modifiés par celui qui les suit (je vais mettre des géants et des avions partout, maintenant ?).



















Quelque chose me pousse à croire que ce qui lie l'appel du vide à l'envol, le silence au bruit, la forêt à la ville, le souvenir au rêve, etc, toutes choses présentes dans mes derniers livres, se trouve dans Décor Daguerre, oui.
Peut-être est-ce simplement parce qu'il est inédit ?

samedi 4 octobre 2014

bruissement (des feuilles de l'arbre dans le vent de Liré)

A Liré, hier, au Festimalles, j'ai présenté le matin ce que le festival a appelé un bruissement, faute d'avoir le droit d'employer l'expression pecha kucha (j'ignorais qu'elle était protégée), et dont je rappelle le principe : 20 photos, 20 secondes par photo, pour présenter ce que l'on veut. 
Le thème sur lequel on m'avait demandé d'intervenir était large : écrire avec le numérique. Tout en sachant que je m'adressais à des gens qui a priori ne connaissaient pas mon travail, plutôt que de présenter ce dernier de façon un peu explicative (ceci est un livre numérique, cela un texte hébergé par un autre site que le mien, etc), j'ai préféré évoquer les questions qui me traversaient au moment d'écrire le texte, quelques jours plus tôt. Questions qui, de toute façon, innervent tout ce que je fais. J'ai cherché à aller au plus près, en restant le plus simple possible. C'est ainsi que j'ai parlé d'arbre(s).

Je n'étais pas sûre de vouloir mettre le texte en ligne. Mais cela m'a été demandé à plusieurs reprises, preuve qu'on n'est pas seul(e), que ce genre de questionnement touche, quand bien même on en parle rarement.
Je me suis sentie en confiance, hier. C'st pourquoi voici ce bruissement.















Voici... mon cerveau, dirait-on. Mon cerveau a une forme d'arbre, quoique pas vraiment puisque les branches se rejoignent. Mais disons que si. Ceci est un arbre, son reflet et ce que j'écris. Une étude me dit : tu penses par arborescence comme 15 à 30 % de la population.















 Et moi je me demande : est-ce beaucoup ? Est-ce peu ? Est-ce vrai ? Est-ce utile ? Suis-je un monstre ? Je crois savoir comment je pense depuis une quinzaine d'années et cela correspond, suis-je en train de réaliser tandis que j'arpente une exposition de photos, aux débuts de ma connexion.















C'est le monde qui me pose la question : suis-je un monstre ? Moi il me semble que non. C'est le monde linéaire, séquentiel, celui des cases, des places, de l'immobilité qui me demande ça : mais est-ce notre monde ? Notre monde d'aujourd'hui est-il encore ainsi ? L'a-t-il déjà été ?



















J'arpente donc l'expo et un livre, auquel je pense sans y penser depuis longtemps déjà prend forme. En une minute à peine six ou sept fils le tressent, motifs, thèmes que je note dans un carnet. On vient de me dire non pour la publication d'un autre livre, en forme d'arbre, alors je m'interroge : faut-il à nouveau que j'écrive ? Je veux dire : de cette façon ?



















Voici mon livre en forme d'arbre. Comme on le voit je passe d'une branche à l'autre. Je crois que tout se tient, que tout est bien en ordre, que le brouillage n'est qu'apparent. Mais comment le faire comprendre ? J'aurais plus de succès (papier, j'entends) si je faisais autrement, je le sais. Mais je ne sais pas faire. Je ne peux rien y faire. Je ne suis pas faite comme ça.



















Et c'est une souffrance, d'essayer autrement. Et c'est une joie, un bonheur permanents que de tresser ces liens, de rapprocher ce qui ne se rapproche pas, de placer des géantes dans les grands magasins, de changer une femme en avion, en pan de mur, en plante, en pierre. D'inventer des mots pour ce qui ne se nomme pas.















Alors allons-y quand même. Et le tant pis devient tant mieux à lancer ses filets, laisser les portes ouvertes. Voyages en voiture, en train, en barque, en rêve et rencontres réelles, virtuelles, tangibles : tout vient, tout approche, tout arrive.



















Le non (niet, no) continue parfois de tomber : il n'y a guère de carrière, de progression sociale dans ce que je raconte. Cependant, l'arbre est là, lui aussi : dans le monde, dans nos têtes et dans les connexions. Et à se connecter on les croise nombreux, les gens à tête d'arbre. 15 à 30 %, dit l'étude ? Ces chiffres n'ont aucune importance.















Chacun de nous, chaque jour, touche du doigt toute la complexité du monde. Tout fourmille de sens, de non-sens, opacité et transparence, mensonges, vérités. Le plus gros des mensonges est le mot contre-vérité. Le monde nous tiraille en tous sens. Et alors ? Qu'est-ce qu'on fait ?   















On arase, on réduit, on nie, on efface, simplifie ? Ou on plonge, même à avoir la trouille de perdre ses repères, hiérarchie et frontières à jamais perturbés et de risquer, croit-on, sa verticalité. Mais c'est d'une autre approche qu'il s'agit, simplement.















Je ne suis pas compliqué, dit le monde, je suis complexe : ne crains pas de me penser. C'est penser tes limites, toujours et sans arrêt que de vouloir m'embrasser, certes. Mais c'est aussi le moyen de reprendre la main. Ouvrir des fenêtres, des onglets.



















Respirer, écouter les battements, les rythmes. Risquer la dispersion, mais aussi la penser : se faire grandir soi-même, observer ses entraves. Et risquer d'écrire plus, risquer de voyager, de lire des inconnus, de se faire son avis, de rencontrer du monde. Et ne pas étouffer à vouloir correspondre à une forme définie, nettement reconnaissable, à tout prix, sans arrêt.



















Et quelle forme, d'abord ? Qui peut dire qu'il possède une place dans le monde, simple, stable ? Il n'y a plus, ne cherchez pas. En tout cas, pas pour nous. C'est pourquoi, ce qui se joue, se construit à travers les réseaux, les échanges, c'est le tracé de la route qui se fait à mesure.















Ce qui n'implique pas l'isolement ni la solitude. Au contraire. Nous sommes plusieurs, nous sommes nombreux. Nous n'avons pas besoin de nous connaître pour reconnaître en nous ce qui fera écho. Nous ne savons pas nécessairement : la vie privée, le visage, l'âge, le CV de nos correspondants.














Est-ce important ? On se doute que non, même si nous nous voyons, nous retrouvons, de temps à autres, de ville en ville. Nous sommes, perpétuellement, en route. A tenter, à recommencer. Et l'échappée n'est pas une fuite : c'est un prolongement. Ici / voici / l'ailleurs.















Il ne s'agit pas d'entre-soi, de publication par défaut, d'écraser ce qui existe, ce travail sur le net, les blogs, les réseaux. C'est trouver ce qui nous correspond, y aller, ne pas attendre de savoir comment faire. Ne pas demander d'autorisation.   















 Il n'y a pas de modèle et c'est un grand bonheur. Et nous voilà adultes, responsables et joueurs. Et enfants et bosseurs, le tout conjointement. Nous ne dormons pas des masses et nous sommes fauchés, c'est un fait. Alors, comment tenir ?















C'est comme partout ailleurs : il faut covoiturer. S'échanger des services, se donner, se prêter (des plans, des livres, des lieux, des adresses, des noms). Est-ce que ça finira par porter ses fruits, ce travail, cette façon de voir ? C'est impossible à dire.















Mais c'est au présent que ça se joue. Dans la concentration, la trouvaille, la jouissance. L'étonnement, la surprise, la reprise, la boucle. La prolongation. La bifurcation. La comparaison, la friction, la métamorphose. L'éblouissement, même.















Aussi : combattre ses peurs, son trop grand désir de reconnaissance. Laisser du champ, de la marge. Laisser de la place à qui se trouve en face. Ne pas jouer des coudes mais inventer une danse, une disposition. Seul, à deux, à plusieurs. Prendre corps. Et laisser venir.   


*

Les photographies à tendance noir et blanc viennent de la récente exposition Mapplethorpe au musée Rodin. Les autres ont déjà été montrées ici ou là. Exceptés le "petit bain" trouvé au musée de la Piscine de Roubaix et les chaises sur l'eau, découvertes aux jardins de Chaumont-sur-Loire, les autres ont été prises soit près du lac de Grand-Lieu, soit dans des endroits présents dans Décor Daguerre : la Cité des Sciences (photo "agissez" et "on"), le haut Montreuil (la ligne de désir), ou encore le musée d'art moderne du centre Pompidou. Les cartes postales se trouvent également dans DD.
Enfin, il n'aura sans doute pas échappé à certains que j'ai piqué la joie et la souffrance (presque sans le faire exprès) à François Truffaut...