l'horloge de la gare de Chartres

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mardi 15 novembre 2011

Aux Folies, quand il parlait d'Hubert Nyssen



















Je me souviens de la place que nous occupions, lui et moi, ce jour-là, aux Folies de Belleville : juste à côté de la table d'où parfois, tôt le matin, je regarde aujourd'hui les camions, les cyclistes grimper en direction de la rue des Pyrénées. 
C'était l'après-midi. Pourquoi nous être retrouvés là, alors que nous passions tout notre temps à la Sorbonne ? J'habitais Jourdain, oui, mais lui ? A Télégraphe, peut-être, il me semble que ça me revient. Partage de la ligne 11 qui relie Les Lilas à la station Châtelet, entraîne au centre-ville vers le quartier Saint-Michel (les PUF, Gibert, la librairie Compagnie, qu'il vénérait, le Champo et l'Action Christine). C'était avant qu'il ne réussisse les concours, ne devienne professeur, n'achète une maison au milieu des champs.

Nous étions étudiants en lettres et voulions devenir écrivains. C'était clair, net, ça et pas autre chose.

Cet après-midi-là, il m'a parlé d'Hubert Nyssen, chez qui sa soeur venait d'effectuer un stage, et de Paul Auster dont nous découvrions les romans. De  Nina Berberova, aussi ? Sûrement, je ne sais plus. Il s'était rendu chez Nyssen durant l'été et lui qui jusque ici ne jurait que par les éditions de Minuit au point, je crois, de lire tout ce qui paraissait, en était revenu ébloui. 
Je me souviens de son enthousiasme (brusquement, notre place au café se décale, nous ne sommes plus au même endroit. Il est possible que je condense quatre ou cinq souvenirs en un seul). Son enthousiasme, donc, pour l'homme et pour le lieu : il avait dormi chez lui, au milieu des livres. Devenir éditeur, à son tour, et ailleurs qu'à Paris ? Pourquoi pas ?
Je me souviens aussi, et c'est assez absurde, de ce qu'il disait de sa soeur : douée en langues vivantes, voyageuse, dotée de toutes petites mains. Les miennes, les siennes à lui, étaient petites aussi, ni mains de pianistes ni mains de travailleurs. Pourquoi la conversation avait-elle bifurqué ? (durant le stage s'agissait-il de fabriquer les livres ?). Bref, nos mains, la tasse, la soucoupe, la cuiller et le sucre sur la table bancale du café Les Folies.

Nous nous sommes beaucoup écrit pendant qu'il était à l'armée. Parlions écriture, lectures, lectures et écriture, ainsi de suite. Il a passé les concours. J'ai renâclé.
Il a réussi le Capes, a commencé à gagner de l'argent, s'est acheté cette maison au milieu des champs, la voiture pour y accéder. Nous nous sommes perdus de vue.

Parfois je tape son nom dans un moteur de recherches. Aux dernières nouvelles, il est toujours professeur. Ecrivain ? Je ne l'ai pas trouvé. Mais peut-être écrit-il sous un autre nom que le sien ?

Vit-il toujours au milieu des champs ? Et qu'a-t-il ressenti hier, quand il a su la mort d'Hubert Nyssen ?

*

Notes prises après avoir lu le très beau texte de Christophe Grossi, Le Catalogue d'Hubert Nyssen (lire à 20 ans), sur son site, Déboîtements.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très touché de lire ce très beau texte encouragé par celui que j'ai écrit quelques heures plus tôt (et sans me douter alors qu'il provoquerait ça et ferait remonter ce souvenir-là du lirécrire). Merci beaucoup.

Et maintenant que tu nous as mis dans la confidence, on a vraiment envie de savoir ce que fait cet ami aujourd'hui !
ChG

Anne a dit…

Il semble avoir grimpé dans la hiérarchie, c'est tout ce que je sais (un garçon brillant)...