l'horloge de la gare de Chartres

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lundi 3 janvier 2011

Fenêtre de Malone

"Mon lit est près de la fenêtre. Je reste tourné vers elle la plupart du temps. Je vois des toits et du ciel, un bout de rue aussi si je fais un grand effort. Je ne vois ni champs ni montagnes. Ils sont proches cependant. Après tout qu'est-ce que j'en sais ? Je ne vois pas la mer non plus, mais je l'entends quand elle est grosse. Je peux voir dans une chambre de la maison d'en face. Il s'y passe quelquefois des choses bizarres. Les gens sont bizarres. Peut-être s'agit-il d'anormaux. Eux aussi doivent me voir, ma grosse tête hirsute tout contre la vitre. Je n'ai jamais eu autant de cheveux qu'à présent, ni d'aussi longs, je le dis sans crainte d'être contredit. Mais la nuit ils ne me voient pas, car je n'allume jamais. Je me suis un peu intéressé aux étoiles ici. Mais je n'arrive pas à m'y retrouver. En les regardant une nuit, je me suis vu soudain à Londres. Est-ce possible que j'aie poussé jusqu'à Londres ?"

Samuel Beckett, Malone meurt, Editions de Minuit, pages 15-16.

3 commentaires:

PhA a dit…

Étrange pour moi de lire ici sans m'y attendre un extrait de Malone, tellement lu et relu - et pas relu depuis si longtemps. Ce n'est plus de la lecture, c'est une rencontre qui remue.

Anonyme a dit…

on dirait Franck à Lafayette (et la mer serait les trains) (j'aime ça)

Anne a dit…

@Philippe : bien d'accord sur ce que ça remue...
@anonyme : merci d'avoir fait ce lien
(et à vous deux : étant peu connectée à Montreuil, je suis un peu lente à répondre, désolée !)