Le jour où ça ne va pas assez, on s’allonge. Sous les paupières ce qui surgit, à deux reprises, et l’on ne s’y attend pas, c’est la biblio de son enfance. Pas celle de la chambre mais la vraie, un cube au milieu du parc, à gauche de la bibliothèque adulte. Plafonds hauts et parquet ciré, couleurs et coussins et lumière, un lieu où l’on ne vous demande rien, où l’on vous propose, vous voyez.
Elle : Françoise, la bibliothécaire. Une jeune femme à lunettes brune, qui ne travaille plus là depuis. C’est Françoise qui sauve tout et si jamais elle lit ce texte, je précise : bibliothèque jeunesse de Saint-Germain-en-Laye, fin des années 70. Françoise se fout de savoir si l’on est riche ou pauvre, et comment ça se fait que l’on soit bon en classe alors qu’on n’est pas riche (ce sont les mots de l’époque, aussi) dans cette ville riche, riche riche ultra riche, qui ploie sous son château, François 1er, Versailles, et vous appelle pauvre.
C’est gravé.
On s’en fout.
Une fois dans le parc, oui (traverser les pelouses ou que le gardien siffle), on s’en fout royalement. Ce qui compte c’est ici, cube blanc et plafond haut (et l’odeur de la cire, du parquet que l’on cire d’où le plaisir dimanche à faire cette poussière qui ailleurs s’accumule), les bouquins découverts et tout ce que Françoise propose : atelier de BD, atelier de sérigraphie, écriture de poèmes, création d’un journal de la bibliothèque. On veut tout faire ? On fera tout.
Emprunter vingt fois le même livre, épuisé, introuvable, vingt ans plus tard réédité (l’avoir en double).
Entrer sans crainte, et pour toujours, dans les bibliothèques, les librairies et les musées.
S’approprier le monde, voilà, et à qui ça ne plaît pas tant pis.
Bibliothèque jeunesse de Saint-Germain-en-Laye (aujourd'hui déplacée, qu'importe) :
centre du monde
centre du monde
centre du monde
*
Parmi une trentaine d'autres, le "Printemps français" a menacé la bibliothèque jeunesse de Saint-Germain-en-Laye, me dit-on. Ou alors pas vraiment, deux trois mails au plus, est-il écrit ailleurs : je lis les informations en ligne, ne vis plus là-bas depuis trente ans, n'en sais pas davantage. Peu importe. Cette bibliothèque fut, dans mon enfance, comme le dit le texte ci-dessus extrait d'un article pour remue.net écrit il y a plusieurs années, le centre du monde. Refuge, source de liberté, de créativité : même si la culture était très valorisée dans mon entourage, la poésie en particulier, ce lieu fut pour moi, je le répète, d'une importance capitale. Peut-être que tout était lié à Françoise, à son ouverture d'esprit... Je ne sais pas.
Des crispations, projections, fantasmes réducteurs, il y en avait tout autour. Souvent, je me sentais cernée.
Là, non.
De l'air.
C'est tout ce que j'ai à dire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire