Je ne suis pas dans la chambre verte mais dans un TGV Nantes Paris. Des images de lac, de façades Art Nouveau, de tableaux, de vitrines, rue Daguerre et Beaubourg et Bruxelles et Grand Lieu, château, arbres en fleurs, neige, verglas et soldes peuplent cet écran où j'écris. Le train freine, épingle à la vitre les églises, forêts que le wagon délaisse. Dans cette lenteur de quelques minutes, une demeure de zinc, son miroitement, de courtes hachures devenues brins de paille.
Je
voudrais raconter la lecture au centre Jean Dame le 6 mars dernier,
revenir au très près (le micro, la scène, Jean-Marc à ma droite)
mais cette vie de nomade et le sentiment de si grand présent qu'elle
procure m'en détournent. Il y a le carnet qui sert de journal. Les
livres offerts. Celui que je lis (Fenêtres,
de Pontalis, un cadeau de plus). Les champs inondés. Une nuit passée
dans une chambre rose - oui, tiens, les couleurs de chambres, le
voilà peut-être, le sujet...
Une
chambre à soi, une pièce à soi, je pense à Juliette Mezenc que
j'invite la semaine prochaine.
Au
rideau baissé par le voisin de derrière (trop de soleil,
trouve-t-il) dans le TGV.
A
cette tension, lecture La Fayette, aux conseils de Jean-Marc pour
attaquer fort.
A la
robe cerise que j'ai portée là pour la première fois, don des
bénévoles de Cerise, justement, tandis que nous étions, au Café
Reflets, à trier des jeans, des vêtements d'hiver, des manteaux
immenses.
Je ne
vais pas assez à Cerise, pour l'instant, mais la chambre verte
m'entête.
Tout
travaille, insensiblement.
Alors,
cette lecture ? (nous voilà au Mans, à l'ombre du quai, le voisin
relève le store) Comme à Marseille, où nous l'avions déjà
tentée, j'ai demandé d'une voix trop faible à ce qu'elle soit
enregistrée. La phrase s'est perdue dans la conversation. Puis j'ai
oublié. Il n'y a pas d'enregistrement et je crois que ce n'est pas
un hasard
(mesdames,
messieurs, cet arrêt n'est pas prévu, veuillez ne pas tenter
l'ouverture des portes)
je ne
dois pas vouloir que cette lecture s'inscrive, se grave quelque part.
(mesdames
et messieurs notre TGV va repartir dans quel-ques-ins-tants)
Robe
cerise au-dessus du genou parce que, si j'écris, et lis, en public Corps contre lequel lutter pour ne pas le cacher toujours, et
même s'il s'agit de celui de n'importe quelle femme, ce n'est pas le
moment d'arriver en jean, en vêtement d'hiver, en manteau immense.
Robe
cerise, pupitre, boite à musique avec laquelle Jean-Marc Montera
joue de la guitare. Devant, le noir complet : au théâtre Jean Dame,
on ne voit pas le public.
Cette
lecture est un travail de nerfs, d'attention, quarante-cinq
minutes de bifurcations sans quitter la route. Et c'est un duo, vrai
duo : sans lui, rien à faire, on ne m'y verrait pas. Il me porte, me
tient, éloigne d'un geste l'anxiété qui minait les jours
précédents, la peur que quelque chose, à l'intérieur, s'écroule
– ce qui arrive ensuite, systématiquement.
Après il faut reconstruire.
Ainsi apparaissent les chambres aux couleurs multiples.
*
photo : avant lecture, répéter le texte sous le ciel de Paris
pour entendre la lecture audio du texte ci-dessus et voir la photo correspondant à l'après-lecture, il suffit de se rendre sur remue.net.
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