Avec le temps, il s'était formé je ne sais quel lien intime qui unissait le sonneur à l'église. Séparé à jamais du monde par la double fatalité de sa naissance inconnue et de sa nature difforme, emprisonné dès l'enfance dans ce double cercle infranchissable, le pauvre malheureux s'était accoutumé à ne rien voir dans ce monde au delà des religieuses murailles qui l'avaient recueilli à leur ombre. Notre-Dame avait été successivement pour lui, selon qu'il grandissait et se développait, l'oeuf, le nid, la maison, la patrie, l'univers.
Et il est sûr qu'il y avait une sorte d'harmonie mystérieuse et préexistante entre cette créature et cet édifice. Lorsque, tout petit encore, il se traînait tortueusement et par soubresauts sous les ténèbres de ses voûtes, il semblait, avec sa face humaine et sa membrure bestiale, le reptile naturel de cette dalle humide et sombre sur laquelle l'ombre des chapiteaux romans projetait tant de formes bizarres.
Plus tard, la première fois qu'il s'accrocha machinalement à la corde des tours, et qu'il s'y pendit, et qu'il mit la cloche en branle, cela fit à Claude, son père adoptif, l'effet d'un enfant dont la langue se délie et qui commence à parler.
C'est ainsi que peu à peu, se développant toujours dans le sens de la cathédrale, y vivant, y dormant, n'en sortant presque jamais, en subissant à toute heure la pression mystérieuse, il arriva à lui ressembler, à s'y incruster, pour ainsi dire, à en faire partie intégrante. Ses angles saillants s'emboîtaient, qu'on nous passe cette figure, aux angles rentrants de l'édifice, et il en semblait, non seulement l'habitant, mais encore le contenu naturel. On pourrait presque dire qu'il en avait pris la forme, comme le colimaçon prend la forme de sa coquille. C'était sa demeure, son trou, son enveloppe. Il y avait entre la vieille église et lui une sympathie instinctive si profonde, tant d'affinités magnétiques, tant d'affinités matérielles, qu'il y adhérait en quelque sorte comme la tortue à son écaille. La rugueuse cathédrale était sa carapace.
Victor Hugo, Notre-Dame de Paris
Victor Hugo, Notre-Dame de Paris
7 commentaires:
C'est intéressant comme ce bon vieux Victoir possède un style qui n'appartient qu'à lui tout en étant difficilement caractérisable (par exemple, Proust, au contraire l'est parfaitement).
Je voulais dire Victor (mais le i a traîné)
(pas mal la traîne du i !)
oui, c'est drôle, moi je trouve le début de ce passage très XIXe encore, alors que le dernier paragraphe me semble très moderne. Ca m'a frappé en l'entendant (ai trouvé un cd du livre lu).
sa coquille, son écaille, sa carapace
Anthony Quinn, Gina Lollobrigida et sa chèvre, Prévert, ce chanteur, Philippe Clay, et Robert Hirsch et tout le monde; bon, et puis Plamondon et Cocciante, la chansonnette, Garou Hélène Ségara l'autre jamais rasé, là, j'ai oublie, non Patrick Fiori et puis Daniel Lavoie, je crois avec Starmania aussi, enfin, les linéaments, j'adore... Delannoy, comme réalisateur, on a vu mieux, mais là, Quasimodo (La Strada, aussi, là, juste là,non ?) sans doute n'avais-je que six ou sept ans quand je l'ai vu, il me semble, il y avait tout de même cette tristesse, cette cathédrale, ce monde...
ah non non non pas Patrick Fiori ni Hélène Ségara ahhhhhhh !
non non non non non !!!!
ah non ah non !
Lollobrigida d'accord, si tu veux. Anthony Quinn, d'accord. La Strada, Fellini, toujours, ou presque.
Mais Patrick Fiori, ça jamais !!!
l'ostracisme, ah lala... :-)) Patrick Fiori ne chante pas, il crie, et alors ??? mais cependant, le truc qui continue, malgré tout, non ?
Et puis je voulais dire aussi, mais chez TL, là, et Diat, t'en fais quoi ? Y'avait un type qui disait des trucs pas mal, Edouard Glissant - jamais lu, en même temps, mais je crois que c'est le chantre de la libération des Antilles quelque chose - honte sur moi...- mais qui disait qu'il ne se relisait jamais, c'était le meilleur moyen de ne plus écrire... A bon entendeur... Bisettes
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