Né juste en 1900, il avait deux ans quand Nation Dauphine fut construite. Cent cinq ans aujourd’hui, l’âge des poilus qu’on fête (neuf survivants) ce mardi 14 heures, il vit à Colonel Fabien. Les voisins du dessous entendent parfois ses pas très doux, de la porte à la fenêtre, cherchent le bruit d’une canne qu’ils ne détectent pas et se demandent, à l’impromptu, s’il n’est pas mort. Mais non. De la porte à la fenêtre c’est tout un monde lui espèrent-ils. Ils supposent qu’il est sourd et quand ils y pensent ils l’envient. Les assauts du métro aérien toutes les deux, quatre minutes, lui s’en réjouit sans les subir croient-ils. Il est à la fenêtre, spectacle permanent.
Les voisins du dessous oublient les vibrations, ignorent qu’il n’est même pas malade. Rien. Ne lui reste que : effacer le précédent spectacle, images intimes que huit autres partagent, dix-huit ans en 18. Etrange qu’aucune radio ne soit encore passée immeuble du boulevard, cinquième étage gauche, à Colonel Fabien, ce sera sans doute l’an prochain. Et puis non. Marcher à pas si doux, longer le couloir comme on franchit un col il ne le fera pour personne, sauf pour qui lui monte les courses.
Les voisins ne l’ont jamais vu et lui, ne les voit pas non plus. Ils s’inventent mutuellement le montant des loyers, croisent ensemble par la vitre nos regards impensables.
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