Or donc, c'est le Jour J, celui de la sortie d'Ile ronde, et depuis hier j'ai mille choses à écrire ici, qui sont et ne sont pas liées à cette parution. Je me rends compte, par exemple, que la mise en ligne quotidienne de ce journal pousse à évoquer ce que d'habitude je mets de côté, en particulier ce qui ne fonctionne pas, ne se fait pas, pour me concentrer sur ce qui existe. Mais j'y reviendrai.
(je devrais être un peu comme ça, aujourd'hui, non, à parader sur mon tapis rouge ?!)
Bref... Hier, donc, sortant de la poste - deux livres et un manuscrit envoyés, je me suis dépêchée pour aller visiter les Ekluz, lieu consacré à la création numérique, ouvert dans mon quartier depuis peu. C'est en effet la Digital week France (eh oui), d'où la possibilité de rencontrer les entreprises et artistes associés. J'y allais, à vrai dire, pour voir le film de 13 minutes consacré au roman d'Olivier Hodasava, Eclats d'Amérique, intitulé Dreamland
film qui, je l'espère, pourra bientôt être diffusé ailleurs.
J'y ai au passage découvert le travail assez fascinant d'Albertine Meunier, qui crée des objets "physiques" représentant ce qui, dans nos vies, tient de l'immatériel. Ainsi a-t-elle publié un livre contenant toutes ses recherches sur Google pendant quatre ans : quel portrait de soi plus intime, plus révélateur, plus impudique peut-être aussi ? Ou encore : si vous envoyez un tweet dans lequel se trouve le mot ange, une ballerine, quelque part, se mettra à tourner sur elle-même... Elle peint également des aquarelles à la manière d'Eugène Boudin mais inspirées par Street view, et invente tant d'autres choses encore (j'en garde pour moi, ne dis pas tout : allez voir !).
Nous a aussi été présenté le Water light d'Antoine Fourneau, mur composé de plusieurs milliers de Led s'illuminant au contact de l'eau (j'avais bien envie de prendre une éponge et d'essayer, n'ai pas osé).
Je suis ressortie de là avec l'impression, une fois de plus, de comprendre davantage la façon de penser des créateurs numériques que de certains du "papier" qui me parlent surtout d'argent, de manque d'argent, plus tellement d'écriture. Pas tous, bien sûr, et tous le déplorent, mais enfin, le fait est : ce qui est de l'ordre du lien, de l'extension, de l'arborescence dans ce que j'écris ils ne m'en parlent pas, ou très peu.
Je parle écriture avec les numériques, et depuis longtemps déjà, parce que celle qui nous intéresse a tendance à déborder du cadre et que ce n'est plus la peine de vouloir la contenir. Trop tard, me dis-je : nous avons goûté à autre chose... Sur ce blog, dans la marge de droite, se trouvent ainsi des liens vers les auteurs que je suis depuis des années, qui publient parfois papier, parfois autrement, des livres numériques, des blogs, des sites. Dessinent, traduisent, codent, photographient, découpent, copient-collent (il faudrait d'ailleurs que je la mette à jour).
Je suis ressortie de là avec de l'énergie, moi qui n'en avais plus beaucoup, et voici ce que ça a produit : je me suis rendue à la boucherie située entre les Ekluz et chez moi, lieu devant lequel j'étais toujours passée sans entrer. Passionnant, me direz-vous. Oui : c'était l'heure de la fermeture et pourtant le boucher avait envie de faire la conversation. Il m'a demandé mon métier. Je n'ai pas commencé par le dire, mais comme il insistait...
Tout à coup, il a ouvert la bouche et ne l'a plus refermée. A mentionné un peintre, Alexandre Hinkis, également décorateur de cinéma (j'ai dressé l'oreille), à cause d'un livre que les héritiers cherchent à faire paraître. Dans la boutique vide (seul l'apprenti, tout jeune, était présent, écoutait sans rien dire en souriant), le boucher m'a parlé de l'importance du vert émeraude, des maquettes de ce peintre, de Trauner, etc. Tout ça parce que j'avais répondu je suis écrivain et qu'il a embrayé sur les ventes et les pourcentages, la difficulté à trouver un éditeur.
Il s'est enflammé, est parti dans l'arrière-boutique, est revenu avec des catalogues. L'apprenti rangeait tranquillement, souriait toujours. C'était merveilleux. Et il ne va pas s'envoler, le boucher, je peux retourner parler peinture, atelier, décor quand je veux !
Moins merveilleux : à minuit, j'ai découvert fortuitement que ma candidature à la Mission Stendhal, pour partir à Londres, n'avait pas été retenue. Coup dur, forcément. Dans ces cas-là, je réagis tout de suite très mal et ça dure la nuit. Ensuite je me lève...
Ensuite je me lève et c'est le jour J pour Ile ronde. A huit heures, je poste un lien vers le site de l'éditeur. L'information est likée sur Facebook par un élève du collège du Havre rencontré trois fois en atelier il y a quelques mois : voilà mon tapis rouge.
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