dimanche 18 mars 2018

Semaine #11 faire


Dimanche Lafayette Anticipations, donc, ses paillettes partout, sa boutique ridicule (on y vend des stylos quatre couleurs savamment disposés) mais aussi cette vidéo sur deux étages, The silence of the sea, qui me donne une idée. Je note. Ecrire c'est potentiellement faire main basse, embrasser, étrangler, n'avoir d'avis sur rien, se débattre, déformer, faire sonner, refuser, pétrir, secouer, empoigner, caresser, lâcher...
Je suis d'une humeur massacrante au retour, ce qui n'a rien à voir avec cette sortie ni même avec l'écriture. Qu'en faire ? Quelque chose. 












(pas ça, du calme)
Structurer, organiser davantage ? (déjà que) S'en demander plus ? (encore ?) Où se trouve la clé quand on se sent dépossédé, passif devant ce qui arrive ?
Explorer. Explorer encore. Expérimenter, car là il y a à faire, c'est-à-dire oser, rater, s'exposer, accorder sa confiance... Et trouver de l'aide, ne pas rester seul-e.
A bien y réfléchir, je me suis toujours arc-boutée contre ce qui me faisait violence (hiérarchie, chantage affectif, peur, mépris de classe, sexisme, jusqu'aux horaires fixes et toujours les mêmes ce qui m'a empêché, et à jamais, d'avoir une vie professionnelle "normale", pas étonnant si Bruits est minuté) : ça ne risque pas de changer, me dis-je, et ça me rassure.
Explorer est plus souple, cependant, plus énergisant.
Penser aux danseurs, s'en inspirer. Penser à ce qui vibre. A ce propos, ce que nous avons fait dimanche grâce à Magali Albespy, ce moment de danse, de musique, de partage, de lecture appelé INO peut être écouté en ligne



















Lundi Nage de 7 à 8h. Dans le métro, la passagère à mes côtés est très énervée, tendue. Moi non. Elle ne me transmettra rien. Pourtant je n'ai pas fait une nuit complète depuis combien ? On ne compte plus. Dans mon sac, comme souvent, deux livres car je ne sais lequel choisir : tant pis pour le mal de dos. Or il se trouve que















sans le faire exprès, j'ai pris deux Yoko.
C'est la Yoko de Christine Jeanney qui m'inspire. C'est Christine Jeanney et son écriture. A cet instant, dans cette fatigue, sur le siège du métro près de cette femme qui soupire, s'agace, je me sens entourée, calmée, bercée, prise dans les bras par le livre, qui m'y inclut (me voilà dans le texte, oui) même à ne pas tout saisir.

Christine Jeanney écrit :

"Y.O aime la musique des bruits et celle des silences : John Cage dit que l'artiste n'est pas une sorte d'humain spécial ; il dit que chaque humain est un artiste spécial ; qu'il faut accepter le chaos, les glissements, les chutes, les grincements, les sifflements, les écouter ; et elle le pense aussi.

Elle collecte les bruits (action de recueillir des dons, du latin collecta, participe passé de colligere, ramasser, relever ; quête, réunion, assemblée des fidèles avant le départ en procession vers le lieu de célébration, une prière, oratio ad collectam : d'où le nom de collecte).

Elle dit qu'il faudrait collecter les bruits en les laissant entrer en soi par la mémoire ; se les remémorer, les déplacer en soi à l'intérieur et, quand ils sont tous réunis, y mettre du désordre (COLLECTING PIECE, automne 1963)

Pas forcément les bruits qui ont un sens, pas forcément ceux qui déclenchent des images fortes (sirènes d'ambulance, coups de feu, avalanches, pleurs, rires, hoquets et cris). Plutôt les autres bruits, les bruits fragiles, ceux qui n'ont pas la grâce, les anodins, les anonymes."

John Cage, déjà la semaine dernière, n'est-ce pas...













Mardi La ville serait une maquette de Legos blancs, on y adjoindrait des bruits de neige, des paroles de passants. Des lycéens autour écriraient des haïkus. Je serais là, assise, à tenter de faire de même sans intervenir. Bruits à l'Université de Marne-la-Vallée, le parcours miniature de mon personnage inventé, voilà comment tout commencerait.
Nouvelle extension du projet (j'en reparlerai). Ne jamais se décourager. Ne s'inquiéter de rien.
Je sors de sa cachette un carnet géant à mes initiales, fabriqué par mon beau-père (celui qui a dessiné les cartes de Décor Lafayette) il y a bien vingt ans, auquel je n'ai jamais osé toucher - couverture rouge, initiales dorées, voyez. J'époussette, je scotche ce qui, depuis le temps, s'est un peu déchiré. Je pose à plat, sous presse, pour qu'il reprenne forme. Je sais ce que j'en ferai.
En attendant, de retour de Noisy-Champs c'est un peu n'importe quoi, acte manqué de qui candidate à un appel à projets, clique sur fermer au lieu d'enregistrer après avoir longuement répondu. C'est qu'il doit y avoir du pain sur la planche par ailleurs, sans doute.
Le soir, veille de retour à Chartres, mise en ligne de la première "minute" de la résidence :




Mercredi Journée à Chartres. La lecture du Yoko Ono de Christine Jeanney m'accompagne dans le métro, dans le train, partout. J'enregistre le silence du cinquième étage de la médiathèque, retrouve ses recoins ; déjeune seule et tranquille dans un salon de thé ; tente d'acheter une bonnette à la Fnac pour mon enregistreur (égaré la mienne dans le parc de la Vallée aux Loups), peine perdue ; cherche à écrire dans la salle d'exposition de la librairie, qui présente donc des photos de jazzwomen and men prises par Jean-Pierre Leloir ;


















achète Puissance de la douceur d'Anne Dufourmantelle (à partir des travaux de laquelle Claire Lecoeur s'apprête à faire écrire) ; visite la cathédrale mais n'y vois, ni perçois presque rien à force de chercher à faire des photos et du son ; entends fuser des insultes sur le parvis, désuètes, réelles, inopérantes ; reprends le TER. Comme à l'aller, fascinée par la banlieue au soleil (je crois que la maquette agit sur mon regard), je me laisse happer par les juxtapositions, les reliefs, la perception des dimensions.



















Jeudi, vendredi Tout à coup, la relecture de Volte-face se met à battre son plein. Je trouve le temps, tout de même, d'enregistrer et mettre en ligne les 36 secondes, liées à l'Exquise Louise d'Eugène Savizkaya que tant de gens aiment. Mais sinon, à peine casé une séance à la piscine : me revoilà en 1944 avec Norma Jeane à l'usine, en 1945 sur une plage californienne, etc. Pour le moment, le travail va plus vite que prévu, ce qui me surprend. Je commence à dessiner, comme du temps de l'arbre de Décor Daguerre, mais cette relecture finit par dépasser le plan de l'exposition que j'esquisse : continuons à avancer, donc !
Sur Facebook, j'ouvre avec plaisir un dossier photo consacré aux autres femmes du livre. Il y en a évidemment de très connues (Lauren Bacall, Ingrid Bergman) mais également d'autres, telle Bunny Yeager (ci-dessus), passée de pin-up à photographe, qui a contribué à la célébrité de Bettie Page, ou encore l'étonnante Mabel Normand. Ce livre est plein d'hommes (les photographes), plus encore de femmes. 


Côté son, il y a du neuf à écouter, puisque la deuxième émission consacrée à la résidence à Chartres est en ligne sur la page de la radio, avec pour invitée Magali Albespy. On y entend, à un moment, ce très beau duo qu'elle fait avec Caroline Grojean, où elles improvisent autour de la chanson River of no return... de Marilyn, surprise !

J'ai justement Caroline au téléphone au retour. Nous parlons d'une future collaboration autour du nouveau projet de Pièces détachées, Exit 87, dont le point de départ est le premier chapitre de Cowboy Junkies. Cette fois, je n'écrirai pas mais proposerai aux danseurs de le faire, sans doute en expérimentant de nouvelles façons d'"animer" un atelier d'écriture - joie de faire autrement, de changer, et de retrouver l'équipe le mois prochain.

Radio, suite : l'émission Variations Mozart de Philippe Aigrain, invité par David Christoffel pour sa "radio parfaite", diffusée dans le cadre du festival Printemps des Arts de Monte-Carlo, est également en ligne. J'y ai contribué en déambulant le long de l'avenue Mozart et en demandant aux commerçants de me parler de leur boutique... Clin d'oeil à Daguerréotypes, bien sûr, mais également à L'aiR Nu (nos locaux ne sont pas loin) qu'on peut entendre au début, avant des contributions de Virginie Gautier, Mathilde Roux et Benoît Vincent. On s'est bien amusés, je crois qu'on peut le dire !













 
Samedi Après un rendez-vous manqué lié à Marilyn (partie remise, j'espère), me voilà au salon du livre pour parler, en compagnie de Pascal Jourdana, des livres numériques de la Marelle. Les tablettes se présentent sous une cloche de verre, ce qui ne manque pas, sur le moment, de me faire un certain effet subliminal (pour le comprendre, il suffit de se rendre ici).
Comme Pascal le rappelle, Laisse venir, écrit avec Pierre Ménard, a été à l'origine de la maison d'édition de la Marelle. Avec Pascal et Fanny, que je connais depuis longtemps maintenant, nous aimons beaucoup travailler ensemble, espérons poursuivre nos aventures - je voudrais écrire sur un cargo, pour tout dire ! Dans le métro, je relis des passages d'Anamarseilles, me dit qu'il faudrait faire vivre tout cela encore un peu plus.

Dimanche Je commence la journée par regarder Trois hommes sur la photo, un documentaire lié à la photo la plus célèbre de Jean-Pierre Leloir, celle qui réunit Brassens, Brel et Ferré. Ensuite ? Ce semainier. Puis retourner à Volte-face...

*

La semaine prochaine, nous fêterons les dix ans de publie.net mardi soir (voyez donc la belle affiche ici), puis je me rendrai au festival Littérature au centre de Clermont-Ferrand.

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