dimanche 18 février 2018

Semaine #7 fermé, ouvert














(photo de Lawrence Schiller, 1962)

Lundi Hier, terminé Claustria qui, s'il m'avait d'abord attirée (eh oui, c'est le terme) pour ce qu'il racontait de l'enfermement, s'est révélé à mes yeux un grand roman sur le bruit. Ce matin, lecture de l'article que Christine Marcandier consacre au livre de Régis Jauffret dans Diacritik : elle parle de tout (l'entrelacs complexe fait divers / roman, le procès spectacle, la négation de l'horreur par un pays entier, l'impossible écriture du temps vécu dans la cave dont l'auteur veut pourtant devenir conteur, lieu dont il faut épuiser chaque perception pour y parvenir, me dis-je de mon côté) sauf de cette attention aux sons. Voilà qui m'arrange, d'une certaine façon, le terrain restant à défricher...
Bruits me travaille, mais il faut terminer le Marilyn : semaine sept de cette évidence.



Seulement (et cela va m'empêcher d'aller nager : en guise de piscine, aujourd'hui, je regarderai une partie des rushes ci-dessus, c'est tout), de mauvaises nouvelles s'invitent, s'ajoutent à celle de la semaine dernière qui m'a empêchée de dormir : deux projets sûrs de se faire ne se feront pas, faute d'argent comme d'habitude. J'avais anticipé, aussi ne suis-je pas abattue, mais c'est fatigant et mes partenaires sont dégoûtés. On vous sollicite, on vient vous chercher et pfuuit, rien ne se passe.
Heureusement, j'ai Magali Albespy au téléphone, qui viendra danser à Chartres dans quinze jours. Elle accepte d'improviser dans la librairie à partir d'un texte que je lirai et qui lui sera inconnu : je pense à des extraits du Marilyn et cela me remonte le moral. On fera du son, aussi. Ce sera bien !
(Il faudrait que j'écoute mes derniers enregistrements, tiens)

Le soir va tomber : c'est enfin le moment de se rendre aux Buttes Chaumont penser à l'atelier. Le parc vient à peine de rouvrir, il y a encore des blocs de neige et des interdictions partout. Je le note.
Pendant ce temps, Pierre Ménard parle de Fenêtres open space dans un atelier de Sciences Po : mon livre côtoie ceux de François Bon et Jane Sautière, voilà qui fait plaisir.











(montage de Pierre Ménard)

Mardi Je suis sagement, le matin, un cours sur la comptabilité des associations (L'aiR Nu en est une). Je pensais m'ennuyer atrocement mais non : ce qui importe, c'est d'avoir le plus possible la main sur ce qui se passe, de pouvoir prévoir, ajuster, prévoir à nouveau. En comptabilité, l'activité (ce qu'on veut faire et donc dépenser, gagner pour le réaliser) et la trésorerie (ce qu'on a en banque, l'argent qu'on nous doit, les dettes éventuelles) sont deux choses distinctes, j'aurai au moins retenu ça.
Pour cela (avoir la maîtrise, du moins en partie), il faut chiffrer ce qu'on projette, pas de secret. Ne pas croire que ça m'est naturel : c'est d'un travail sur soi qu'il s'agit. Mais depuis que je suis en accompagnement au 100, je ne vois plus exactement les choses de la même façon. Ainsi, la mauvaise nouvelle d'hier, qui aurait dû me laisser par terre (non seulement une somme non négligeable s'envole, mais également la perspective d'aller écrire en mer, de travailler avec des amis), est contrebalancée par la réussite du dossier pour Chartres, monté à la même période. Ne jamais, au grand jamais, mettre ses oeufs dans le même panier, comme on dit.

Je me rends compte qu'écrire le semainier permet de suivre ce qui, d'habitude, demeure invisible : on voit, au fil des jours, ce qui fonctionne, ne fonctionne pas. Je viens d'avoir trois mauvaises nouvelles en deux jours, soit, en moyenne si on prend le début de l'année, une tous les quinze jours. On verra si ça se confirme, mais le calcul montre à quel point il faut sans cesse encaisser, remonter la pente, repartir sans se laisser perturber. Je croyais, en entamant ce feuilleton hebdomadaire, évoquer surtout ce qui donne de l'énergie puisque j'ai le bonheur d'une résidence qui, a priori, va bien se passer, d'ateliers d'écriture réguliers et de deux manuscrits qui avancent. Mais non : on aura droit à tout l'ensemble.

Mardi, c'est aussi le jour où l'une de mes soeurs, qui travaille à la cour nationale du droit d'asile, se met en grève. Un article du Monde en accès libre est consacré à la lutte des rapporteurs.














Mercredi matin : écrire, nager ? Non, s'acharner une heure trente pour comprendre pourquoi le Bluetooth refuse d'apparaître sur l'ordinateur, abandonner après avoir fait le tour de la question. Tout oublier pour aller donner un atelier supplémentaire à la Vallée aux Loups l'après-midi, où nous sommes moins nombreux, où parmi nous voici qu'apparaît un participant de quinze ans, ce qui intimide un peu (en tout cas moi). Des textes forts, inattendus. Un sentier forestier découvert en montée. Dans le RER, je lis un texte de Jean-Luc Parant prêté par Olivier Lhostis, le libraire de Chartres, qui me frappe : ce sera l'un des deux que l'on entendra vendredi dans la rubrique 36 secondes (l'autre livre ayant été offert par Arnaud de la Cotte quand j'étais en résidence à Grand-Lieu : merci à tous ceux qui nous font découvrir des lieux, des gens, des textes...).













Jeudi et vendredi, Chartres. Jeudi, pluie continue, vendredi, grand beau.
Le jeudi soir, c'est l'inauguration, qui se déroule dans la salle où sont exposées les photos de Bernard Plossu. Explications sur mon travail, sur Bruits et la résidence à venir, lecture d'un passage de Décor Daguerre puis de la première partie de A même la peau avec les sons de Jean-Marc Montera lancés par Olivier L'Hostis. Pas tant de monde à avoir bravé la pluie, mais ceux qui sont venus me semblent très attentifs. Plusieurs ferment les yeux pour écouter le texte.













Comme souvent, ensuite, mauvaise nuit - mais le matin, à 8h04, j'entends de mon lit les cloches de la cathédrale.
Chercher la douceur, avions-nous dit. J'ai l'idée en tête sans arrêt. La dureté résonne d'autant.
 






























Marcher dans les rues pavées le matin, valise en main quand ça cahote, boutiques fermées. Le boucher s'appelle Pinson, le magasin de lingerie me vaut les commentaires d'une dame qui trouve les dessous jolis, mais plus pour elle (entendez : pour plaire à un homme), ce qu'elle énonce d'une voix forte. Ses paroles résonnent sur la place. Elle a envie de parler, finit par énoncer que bon, la vie est courte, qu'on peut se faire plaisir, à soi, quand même !

Tout en continuant à longer nombre de magasins dédiés à la douceur (lingerie, linge de maison,  décoration, boutique de thés...), je me demande si je croiserai à nouveau cette dame qui parle à tout le monde.













(horloge restée à l'heure d'été)

Grâce à Olivier, je rencontre ensuite deux spécialistes de Chartres à qui l'idée d'écouter la ville semble plaire (nous devrions nous revoir, durant ces six mois, j'en reparlerai), un poète, musicien et éditeur dont je compte bien aller lire les textes, des participants à l'atelier à qui je fais écouter l'enregistrement de ceux de la Vallée aux Loups et que j'enregistre à leur tour.
Vendredi soir, retour par le train avec des lycéens en internat la semaine (c'est du moins ce que je suppose). Pas de tablette pour écrire dans le train, on se demande soudain pour quoi les concepteurs, les commanditaires de ces wagons nous prennent.

samedi Je lis Le Bruiteur, une pièce de théâtre de Christine Montalbetti dont je partage la fascination pour ce métier. Ma mère (bonjour maman) me parle de Louis Matabon, bruiteur à Radio France quand j'étais enfant (Décor Daguerre, bonjour). C'est ainsi que je découvre cette page, où l'on apprend que pour imiter le bruit d'un troupeau de moutons, il faut des coquilles d’escargot vides et du chatterton, par exemple (bruiteur, magicien.... mmm... réflexion en cours).

dimanche Les rapporteurs de cour nationale du droit d'asile sont toujours en grève et pour le moment rien ne bouge. On peut les soutenir dans leur action grâce à la cagnotte qu'ils ont mis en place.Voici également leur compte Twitter.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire