mercredi 27 mai 2015

Ecrire / danser / créer quelque chose



Tout passe à toute vitesse - mais c'est parce que le monde est riche. Je voudrais faire un article en réunissant les photos des cartes postales reçues ou découvertes ces derniers jours, évoquer encore, ici, les ateliers, les lectures, les voyages... Il faut se recentrer sur l'écriture de Diptyque cependant. La mise en ligne de l'émission de radio Montagnes en poésie à laquelle nous avons participé à Saint-Claude, avec Caroline Grosjean, m'y replonge à l'instant. 
Pour l'écouter, il suffit de se rendre à cette adresse. Ce qu'elle me permet d'entendre surtout, je crois, c'est ce que font les danseurs et musiciens du texte que je leur donne, la façon dont ils s'en emparent, le détournent, le transforment : expérience inédite pour moi, et si forte. Etre avec eux, c'est s'immerger dans la création, ne penser qu'à ça, ne parler que de ça, même à parler d'autre chose.



















Il n'est pas toujours si évident d'être invité, accueilli, reçu pour ce qu'on fait vraiment quand on écrit. Parfois, les attentes sont en décalage, l'intérêt est ailleurs, dans le désir de vous voir résoudre des questions qui vous dépassent : donner aux gens l'envie de lire, d'entrer dans les bibliothèques, aider les enfants à être meilleurs en français... élans que votre venue peut provoquer et que vous appelez de vos voeux, bien sûr,  mais qui ne sont pas quantifiables, demeurent quasi impalpables, même si la trace est bien réelle. S'imaginer le contraire, c'est s'illusionner.



















Impossible de ne pas être d'abord et avant tout dans la création, le partage viendra ensuite : voilà qui paraît évident et pourtant... De temps à autre, j'ai l'impression que pour certains de nos interlocuteurs (pas tous, loin de là, mais ça arrive), ceux qui nous "accompagnent", la création tombe du ciel. C'est pourquoi il m'est si précieux de travailler en collectif : les échanges se font autant sur l'objet lui-même (texte, site, pièce chorégraphique, création sonore...) que sur le parcours pour y parvenir, le faire exister. Et puis, j'apprends tant de choses !
Travailler avec la compagnie Pièces détachées ou avec les membres de l'aiR Nu (dont je reparlerai ici le plus vite possible), c'est se ressourcer, se recentrer, retrouver la route. 

mercredi 13 mai 2015

La fraternelle #3















Il semblerait que le troisième jour de résidence soit jour de fatigue et de sommeil plus agité - de travail intense, aussi. C'est pourquoi le billet de ce soir sera très léger, ne contiendra pas plus que : 
- la photo de cet homme qui danse en changeant les affiches de cinéma
- la mention des six cartes postales envoyées ce matin (je n'en ai plus en stock)
- la satisfaction de voir avancer mon texte, même lentement
- l'émotion, toujours, quand en silence j'aperçois les danseurs et tente d'imaginer le lien avec ce que j'ai écrit, que je sais qu'ils ont lu
- une bonne nouvelle : la lecture programmée de Décor Daguerre, avec projection de Daguerréotypes, le 15 octobre prochain dans un cinéma près du lac de Grand Lieu, grâce à Arnaud de la Cotte.

mardi 12 mai 2015

La Fraternelle #2















C'est un jour de très beau temps, toujours, mais aussi de rumination sur le texte en cours (la seconde partie du diptyque, intitulée L). Pas très contente le matin, je le regarde d'un oeil suspicieux, me demande si le fait de faire apparaître un nom propre - un nom de lieu, exotique, pour être plus précise - ne crée pas un mouvement de bascule, ne va pas le dénaturer. Si de ne pas nommer ne serait pas, d'un autre côté, un peu trop commode, donnerait un côté épuré, à l'os, inattaquable à l'ensemble bien confortable en réalité. Bref, je me pose des questions type les-mains-dans-cambouis, ce qui est, de mon point de vue, l'une des choses les plus excitantes de la terre. J'adore ça, oui : rien de plus vivant, de plus ancré à la fois dans la réflexion et l'action, le sensible.














Je descends dans la cour pour le déjeuner sans avoir vraiment résolu la question, moins encore gagné la bataille. D'habitude, je ne dis rien tant que je n'ai pas trouvé et pas moyen alors de me faire décrocher un mot. Là, je raconte ça à Mathieu, l'un des danseurs. Son écoute attentive ne me donne pas la solution, qui ne viendra que du texte. Mais quelque chose se dégrippe, s'assouplit.















L'après-midi, tandis que je me bagarre et décide d'intégrer la question posée par le nom propre au texte lui-même (au-delà de l'anecdote l'exotisme fait sens, dans ce que je veux écrire. Il n'y a donc pas de raison a priori de l'écarter), je reçois un coup de fil, qui m'apprend que je fais partie des quatre finalistes candidats à une résidence d'écriture. Grand oral la semaine prochaine, en fin d'après-midi, au retour d'une journée d'atelier au Havre... 
Je me dis que ça ne va pas être gagné de se concentrer durant les prochaines minutes et me mets en quête des danseurs, qui doivent se trouver au sous-sol. Contrairement aux autres fois, je ne travaille pas directement avec eux, plutôt à coté. En attendant, je suis bien partie pour me perdre, c'est labyrinthique, par ici ! Je ressors sans les avoir vus.














Retour aux fondamentaux.




Trois personnes se sont fait connaître, suite à mon appel d'hier. J'achète un lot de dix cartes postales, effectue quelques allers-retours pour trouver des timbres, les écris. 
Il est temps de les poster, de s'occuper des Bruits. De retrouver les danseurs, peut-être ?

lundi 11 mai 2015

la Fraternelle #1

Et voici que le nouvel épisode du journal de la danse s'avance : avec la compagnie Les Pièces détachées, nous sommes jusqu'à samedi à Saint-Claude, dans le Jura. Plus exactement, à la maison du peuple La Fraternelle, dont je prendrai certainement davantange de photos un autre jour, mais dont voici déjà une partie de la cour :















Fraternelle qui compte des appartements, un cinéma, des studios d'enregistrement et de répétitions, un bar, et où nous sommes annoncés :



















Si on regarde maintenant la première photo d'un peu plus près...















on voit bien qu'en effet nous avons débarqué (une chorégraphe + trois danseurs + un créateur sonore + moi + un guitariste et un éclairagiste à venir + de quoi manger pendant une semaine).
Et voici la cour de l'autre côté (on distingue Magali Albespy de dos et Caroline Grosjean en couleurs)















Des conditions de travail terribles, n'est-ce pas ? 
Un oloé qui me semble parfait, oui, que ce soit en terrasse ou à l'intérieur du café.















(nulle chanson de Nostalgie dans l'air)
Ensuite, quand on sort dans la rue 















c'est Las Vegas, voyez.
(et dire que j'ai réussi à travailler, cet après-midi !) (joie)
J'aimerais, si je peux, tenir ce journal de la Fraternelle toute la semaine. Nous verrons bien : avec les Pièces détachées, c'est souvent intense et de mon côté j'ai beaucoup de boulot sur le texte à venir. Bref...

*

(PS : ce matin, soudain, une envie : proposer à qui veut, passe par ici et me donne son adresse en privé de lui envoyer une carte postale en lui décrivant simplement les lieux. En lui demandant peut-être en retour de photographier cette carte à l'endroit de son choix. Ce serait une jolie façon de retourner la proposition d'il y a cinq ans, me disais-je... Mais je ne sais pas si j'aurai le temps. C'est pourquoi je le dis tout bas, en fin de billet, sans insister davantage. Là encore, nous verrons - d'autant que les cartes vues aux alentours n'égalent pas celles que m'envoyaient Maryse, il vaut mieux le savoir ! A suivre, peut-être)

mardi 5 mai 2015

4 mai - bruits















Chaque jour, depuis le 1er octobre dernier, je note les bruits de la journée, assez rapidement, sans que cela pour l'instant n'apparaisse nulle part - ce que j'en ferai, si ce n'est qu'un matériau, si je transformerai l'ensemble, je verrai ça dans plusieurs mois... Ce matin, cependant, j'ai envie de mettre en ligne ce 4 mai d'hier, qui fut soirée dédiée à Maryse Hache au Cent.
(une précision : "Bruits" n'est pas un projet autobiographique, d'où le décalage que sentiront peut-être dans le texte certains qui étaient présents hier soir)

Lundi 4 mai

Dans une salle à néons qui n'est pas faite pour ça, ils sont plusieurs à lire, au micro ou non, en hommage à une amie, des extraits de ses tweets, de ses textes, de ses livres, de ses mails, de ses cartes postales. Elle était auteure et clown, écrivait chaque jour de chez elle un poème où les avions, filant sans discontinuer au-dessus de sa tête, devenaient musique. Métamorphoser le vrombissement, en faire un rythme, une ponctuation au lieu de le subir ; offrir par brassées des onomatopées ; inviter à sa table, dans son lit, au jardin, dans le ciel la surprise, la beauté ; les partager avec ceux qui chaque jour ont imaginé la maison, son bassin, ses roses sans occulter la mort prochaine c'est gagner la partie peut-être, malgré l'absurdité de cette expression-là. C'est inclure le néon et sa lumière crue. Réunir ceux qui écoutent – comment faire plus simple, ici, et ailleurs plus compliqué ? Composer des bouquets de voix, de phrases claires, de chuchotements.
Un pied martèle le sol. Un corps se déplace. On entend du vent dans les feuilles. 

*

Pollen, le texte de Christophe Grossi dédié à Maryse.
Le jour disparu dans la nuit d'écrire, hommage de Pierre Ménard à Maryse.
Photographie prise chez Maryse.

dimanche 3 mai 2015

chambre(s) changeante(s)

"Parce que ma chambre n'est rien d'autre que l'espace qui dépend de moi, j'en change autant que je le désire. J'enlève mes posters et je les épingle ailleurs. Je ne suis pas liée à ces murs. J'emménage dans un nouvel immeuble, un autre quartier, je visite Paris. Et, chaque fois, la chambre commence avec moi.
Cette mobilité m'exalte. Je pars pour partir. Je frôle la liberté d'indifférence. Sa rageuse absurdité. Mais aucune chambre ne ressemble exactement à une autre. Leurs particularités justifient l'excitation d'un lieu inconnu. Ce sont des détails d'orientation, des variations dans la forme, la dimension, la hauteur des fenêtres (j'apprends alors qu'une ouverture sur le dehors trop élevée pour qu'une personne puisse y accéder s'appelle un "jour de souffrance"), des nuances dans la couleur du papier peint, des écarts dans le degré d'inclination du plafond (il y a des chambres mansardées où l'on ne tient pas debout), des sols de plancher ou, rouge vif, carrelés de tommettes, des aberrations techniques tel ce robinet qui, lorsque je le ferme, émet le bruit d'une sonnerie de téléphone, comme pour me rappeler gentiment que je l'ai toujours pas...
Mais ce ne sont pas des singularités d'atmosphère, des colorations d'âme. Entrant dans ces chambres qui n'ont jamais offert que des refuges passagers (même si des vies entières s'y sont déroulées), on n'entre chez personne. Elles sont le contraire des maisons, de leur enracinement dans le passé des générations, de leur complicité avec les fantômes, et de tous les aveux désespérés, toutes les folies dont leurs épais murs détiennent le secret."

Chantal Thomas, Comment supporter sa liberté, Manuels Payot, 1998, pages 74-75