mardi 24 juin 2014

Fenêtre de l'insomnie

"Souvent, elle vient s'asseoir à la fenêtre, celle qui donne dans le jardin. Elle regarde des heures droit devant. Rien. Le mouvement des herbes, les chardons. L'oiseau pendu dans la glycine. La grange a perdu quelques tôles cette nuit, à cause du vent. Le calme est revenu. Tout cet immobile, ça la rassure. Elle s'endort presque, les yeux ouverts, le point blanc des marguerites repique de la neige dans son rêve. Elle fourmille au-dedans, glisse dans les bras d'un homme dont elle ne connaît pas le visage et qui lui murmure un prénom. 
Quand il y a trop de silence, elle marche, claque les portes, fait du bruit, c'est insupportable.
Quand le jour revient, elle se sent moins seule. 
Le ciel lui fait quelqu'un encore, une présence sur la chaise, le mur, partout dans la maison. 
Elle ferme les yeux, elle sourit. Elle essaie d'emprisonner la flamme dans sa tête jusqu'aux migraines. Elle ne dort plus : depuis quelques jours il fait toujours clair en elle.
Alors elle se berce, chantonne. L'apaisement la plonge, la ronge dans un voyage sans fin. Elle attend qu'une porte s'ouvre. Elle attend."

Dominique Sampiero, La Lumière du deuil, Verdier, 1997. 

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