mardi 21 janvier 2014

oloé du monde entier















Après la publication de mon dernier article, Un oloé en Espagne, voici ce qu'il est advenu : 
En soutien, certains ont écrit des billets de blogs pour parler de leur oloé. Ce fut ainsi le cas de Gilda Fiermonte, Piero Cohen Hadria ou encore de Virginie Gautier. Virginie a inventé les îlots-oloés ; avec Piero, nous partageons depuis longtemps l'oloé-ligne 2 ; et c'est tout un parcours que Gilda retrace jusqu'à sa cuisine-oloé...















D'autres, comme Franck Queyraud, Christophe Grossi ou Thierry Beinstingel, ont recherché sur leurs sites les billets d'oloé et m'ont envoyé liens et/ou autorisation de m'en servir. 
Ainsi, Franck parmi tous ses billets oloé en a élu deux : ce qui est important et un oloé strasbourgeois, avec un café Brant fermé mais, me dit-il, qui devrait rouvrir au printemps après mobilisation citoyenne
Christophe, lui, avait fait une belle présentation du livre sur le blog de ePagine. 
Et Thierry en avait également parlé sur Feuilles de route, militant pour le mot - texte qu'il m'a renvoyé par mail, ses billets n'ayant pas d'URL propre à partir desquels je pourrais ici faire un lien. En voici un extrait : 
oloé met enfin un sens sur ce que sentaient confusément tous ceux attirés par la littérature, les lettres ou l'écrit. Comment faire ? Où aller ? Quel livre emmener ? Quel carnet ? Ordinateur ? Stylo ? Faut-il être toujours prêt ? Chercher partout l'instant propice ? Qui guetter ? Faut-il s'asseoir ? Rester debout ? Rester dehors ? S'enfermer ? Avoir une table bien à soi ? Un bureau ? Une maison ? Un chateau ? Est-ce que j'arriverai à écrire dans un café ? Que lire à l'hôtel ? Sur la plage ? Dans la rue ?



Les oloés ont aussi été déclinés, à la médiathèque André Malraux de Strasbourg, sous la forme d'un pecha kucha en novembre dernier lors de l'inauguration de l'@ppli. Ainsi, Pierre Ménard, Jean-Yves Fick, Cécile Portier, Jessica Maisonneuve et François Matton ont-ils écrit et illustré leurs lieux où lire où écrire (merci à Jean-Yves Fick de ce rappel, et de son message) : Jessica s'installe n'importe où et cela entraîne loin. Chez Jean-Yves Fick, nous voilà à la surface du monde, tandis que Pierre fait son trou et que François Matton trouve un refuge.
















A l'école d'ingénieurs Telecom Paris Tech, Isabelle Delatouche, elle, avait utilisé des extraits de mon texte lors d'une installation littéraire et numérique, ce qu'elle m'a rappelé en me donnant ce lien vers le blog de l'Anthologue (merci Isabelle !)



















Enfin, last but not least, comme on dit (mais alors, vraiment), Joachim Séné a ouvert un site qui géolocalise les oloé du monde entier : chacun peut lui soumettre un texte à lire et à lier. Depuis une semaine, sont ainsi apparus sur sa carte des oloés de Paris, Marseille, Madrid, Shanghaï, Ho Chi Minh ; de Biélorussie, de Roumanie... Et ça continue : à venir, ces jours-ci, un texte par jour ! Si l'Institut auquel le Bateau compte s'adresser fait la sourde oreille, au moins le site de Joachim aura-t-il vu le jour.















De mon côté, je me rappelle les textes que Maryse Hache a écrits à la parution : sa lecture du livre, jour après jour.
Je me souviens aussi du texte de Christine Jeanney et de son nouveau mot, ollo (il y eut d'autres belles présentations de mon livre à sa parution, qui sont en lien sur mon blog, dans la colonne de droite).















De plus, c'est un hasard mais il est important de le signaler : les éditions D-Fiction, qui ont publié mon texte, viennent tout juste de faire peau neuve. Mon texte lui-même, accessible ici, a changé de tête et je le découvre aujourd'hui, faisant partie d'une nouvelle collection, ArtPoText



















Continuons donc d'harponner les oloé du monde entier, me dis-je, et grand, grand merci à tous !

(les photos ci-dessus ont été prises à Bruxelles un jour de grand froid, à oloé extérieur tout à fait impossible)

lundi 13 janvier 2014

un oloé en Espagne















(ci-dessus, à Barcelone)

Je l'avais dit ici il y a déjà longtemps : les traducteurs du collectif Le Bateau, qui ont, depuis, publié le recueil Todo esta perdido comprenant des textes de Christine Jeanney, Joachim Séné, Christophe Grossi et Emmanuel Delabranche, aimeraient traduire et diffuser en Espagne mon livre Des Oloé, espaces élastiques où lire où écrire. Seulement, pas facile en ces temps de crise de mener à bien ce genre de projet : un financement extérieur s'avère indispensable. Or, qui dit financement dit demande, dossier à monter, à remplir...












Le Bateau m'a donc demandé de présenter, pour eux, ce texte, d'évoquer l'écho qu'il a pu avoir depuis sa sortie en 2011 chez D-Fiction. J'ai alors pensé à ceux qui se sont appropriés le mot oloé, en particulier sur les réseaux sociaux (et ce, sans plus le rattacher à mon livre, autonomie dont je me réjouis).

J'adresse donc ici un appel à tous ceux qui voudraient bien m'envoyer quelques mots sur leur(s) usage(s) du mot oloé, en une ou plusieurs phrases que je pourrais citer dans le dossier. Cela pourrait peut-être plaire à l'Institut auquel le Bateau compte s'adresser... Bien entendu, je m'engage à vous donner ensuite des nouvelles, dès que j'en aurai.

Merci d'avance à tous !

dimanche 5 janvier 2014

70 / 90 (regarder un documentaire)

Scruter les arrière-plans, faire des arrêts sur image, se fixer sur certaines années qu'est-ce que c'est, au juste ? 
Les années 70 ne sont pas toujours en couleurs et à bien regarder, tout échappe. On voudrait prendre la caméra et la faire pivoter, avancer dans le temps comme dans le décor. Ici, un square de 1973. Là, une station de métro, sa correspondance pour la 4, en 1990 (c'est janvier, et ensuite ?). Couloirs, affiches, marches, rampes : tout résonne, retient, s'inscrit sur la rétine. Est-ce qu'un mort va passer dans le champ ? Et soi-même, le jour du tournage, était-on près de là, dans la ville ou ailleurs ? Quant à lui, Thierry, rencontré ou non ? Et ce passant qui traîne, qui regarde, et cette femme qui aide, écoute : croisés, une fois, plusieurs, ou non ? Chaque jour, revoit-on les mêmes sans jamais les reconnaître ? Evite-t-on sans cesse, sans le savoir, les fameuses mauvaises rencontres ?



J'ai regardé ce documentaire (dans l'extrait ci-dessus, on ne voit rien de ce dont je parle, le square filmé en noir et blanc, l'escalier du métro, mais je ne pense pas que ce soit grave) comme tout un chacun je pense, m'attachant à la figure de l'absent, Thierry, adolescent en 73, SDF en 90 et mort l'année suivante, filmé par deux réalisateurs (Bernard Bouthier, François Christophe) à vingt ans d'intervalle. Bien sûr, le contenu du film résonne, je n'ai pas besoin de le dire.

Je l'ai regardé autrement aussi, cherchant quelque chose de ce Paris 70 qui m'occupe actuellement (raison pour laquelle, a priori, je voulais le voir), abandonnant vite l'idée. Je cherchais en 90 l'autre absent, celui sur lequel j'ai écrit - et pourtant non, enfin pas seulement. Ce quelque chose à retrouver était de l'ordre de la texture, de la matière. Une ombre, une silhouette. Quelque chose qui aurait densifié les souvenirs, ceux de 90 - les images de 73, pour Thierry l'adolescence, pour moi la petite enfance, étant trop éloignées, non pas de 2014, mais les unes des autres. Comme si cet écart d'âge entre nous diffractait mon regard : je regarde l'année 73 avec mon oeil d'aujourd'hui / je regarde comme le réalisateur à l'époque / je regarde les lieux comme si j'avais cinq ans, peut-être, jamais comme si j'en avais quinze. 
(se mettre à la place de celui qui parle, de celui qui filme, est filmé ? Oui ? Non ? Combien de fois la position du spectateur varie-t-elle au cours des 52 minutes ?)
Pour finir, dire que cette recherche, quelle que soit la décennie, fut un échec - ce qui n'a rien à voir avec la valeur du film, on s'en doute. En 90, François Christophe n'éclaire pas, ou pas toujours, les scènes, et filme au plus près : le paysage, c'est le visage. La texture du temps c'est la peau.

*

Nous nous disions, avec l'ami qui m'a fait découvrir ce documentaire, que les images des années 70 nous échappent toujours. 
Nous ne savons pas l'expliquer.
(quoi qu'il en soit, merci à lui)

*

Note du lundi : en allumant la radio ce matin, j'apprends la mort accidentelle de François Christophe il y a quelques jours, ce que j'ignorais donc quand j'ai écrit ce billet. Quelque chose, forcément, en est un peu changé... 
François Christophe avait 47 ans. Ici, l'hommage de France Culture, station pour laquelle il travaillait depuis 2010.

jeudi 2 janvier 2014

sans trop savoir (au Louvre, 1er épisode)















"Il suffirait pourtant d'appeler... « Excusez-moi, je vous dérange, c'est idiot, je ne sais pas ce que j'ai, je n'arrive pas à retrouver le nom de ce peintre italien de la Renaissance, vous ne connaissez que lui, il peignait des personnages faits de légumes, de fruits... » aussitôt les secours arriveraient, le trou serait obturé, tout se remettrait en place... Mais où serait-elle, cette satisfaction, cette jubilation... la preuve que les forces qui veillent ici sont toujours capables à elles seules, sans aide du dehors, de parvenir à refermer ce qui peut n'importe où, à n'importe quel moment s'ouvrir, laisser passer, se répandre ces exhalaisons... le souffle, l'haleine de l'absence irréparable, de la disparition..."

Nathalie Sarraute, Ici, Gallimard, 1995


Ici, lieu de la mémoire et de l'oubli, de l'inquiétude face à ce qui, pense-t-on, nous manque, nous fait défaut. Ici : lieu qui révèle ce qui échappe, cette image qu'on ne maîtrise pas, trous et écueils, tyrannie de la bonne réponse.
Ici : le musée, le Louvre, boîte à trésors mais également caisse de résonance (en 2009, quand j'étais au CentQuatre et qu'il était désert, je me souviens avoir cherché ce que j'appelais le point de timidité maximum : l'endroit le plus exposé ; celui où, surtout, on ne voudrait pas se trouver. Là où le corps s'empêtre. Là où le jugement d'autrui sur ce qu'on renvoie de soi-même sans moyen de contrôle est inévitable. Le point de convergence des regards. Une fois que je l'avais repéré, je m'asseyais par terre et j'attendais. En fait, il ne se passait rien. Mais comment le savoir sans avoir essayé ?).

Lors de mon premier atelier au Louvre, j'ai proposé aux participants un exercice tiré du texte de Nathalie Sarraute, dans lequel un homme ou une femme est obsédé(e) par l'idée de ne pas retrouver le nom du peintre que le lecteur, lui, identifie relativement vite, plus vite que lui (ou elle) en tout cas. Une peintre célèbre, très célèbre, aux saisons immédiatement reconnaissables...
Oui, d'accord, voilà : Arcimboldo. Tout le monde l'a en tête.
(tout le monde, vraiment ?)
Arcimboldo. Bien sûr. Mais une fois le nom prononcé, à brûle-pourpoint, qu'en dire ? Que sait-on, soi, sans le secours d'un guide, sans chercher sur le net ou dans un dictionnaire, de l'oeuvre d'un artiste en réalité ?

L'exercice : prolonger le monologue intérieur du personnage, désormais pris dans un groupe, forcé d'aller regarder les Saisons d'Arcimboldo dans la Grande galerie (ce que nous avons fait). Sa peur : devoir montrer son ignorance ; être ou se croire obligé(e) de produire du discours. D'où vient ce personnage dont le lecteur, de toute façon, ignore presque tout ? Va-t-il se sortir de cette situation ? Le cheminement vers le tableau, les obstacles rencontrés, la foule, le bruit, révéleront-ils quelque chose de ses mouvements intérieurs, pour reprendre la terminologie de Sarraute ?

Se diriger dans le musée, convoquer ses craintes, sa peur de s'y perdre, son affolement devant le fameux savoir : une expérience. Un risque, même minime, à prendre, pour identifier ce qui entrave. Pour enfin lâcher prise et commencer à regarder, peut-être.

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"C'est juste un bref coup d'oeil pour contrôler... non, pas contrôler, ce n'est pas la peine... c'est juste pour le revoir un instant, il est si attrayant, si drôle... Mais que se passe-t-il ? il s'est évaporé... l'image revient docilement, mais il l'a désertée... il n'est plus inscrit nulle part en elle... les raisins, les fraises, les pommes, les épis de maïs sont bien là, mais lui, n'y est plus..."

*

Pour tout savoir de ces ateliers du Louvre que nous sommes (joie !) quatre à mener et qui cherchent à conjuguer écriture, peinture et numérique sans oublier le lieu lui-même (et quel lieu), le mieux est sans doute de se rendre sur le site de Pierre Ménard, Liminaire, qui en fait une présentation précise, puis d'aller lire les textes écrits par Cécile Portier et Joachim Séné
(et bientôt, un site regroupera nos propositions et les textes des participants : à suivre, donc...)