J'ai plus d'une fois parlé de Violette Leduc sur ce blog - ainsi, ici, est mentionné La Folie en tête, là, Je hais les dormeurs, réédité par les éditions du Chemin de fer ; là et là encore La Femme au petit renard, dont l'action se situe dans le quartier de Jaurès.
Au moment où l'on va enfin réentendre parler d'elle (Martin Provost sort un film, Violette, le 6 novembre prochain et Gallimard en profite pour rééditer quelques titres en Folio, tandis que Grasset propose une nouvelle édition de la biographie que Carlo Jansiti lui a consacrée), voici un autre extrait de son oeuvre, passage que j'aime particulièrement. Cette fois, il s'agit du début de L'Affamée, récit paru en 1948, dans lequel la figure de Simone de Beauvoir est centrale :
"Elle a levé la tête. Elle a suivi son idée sur mon pauvre visage. Elle ne le voyait pas. Alors, du fond des siècles, l'événement est arrivé. Elle lisait. Je suis revenue dans le café. Elle suivait d'autres idées sur d'autres visages. J'ai commandé une fine. Elle ne m'a pas remarquée. Elle s'occupait de ses lectures. Quand elle arrive on nettoie le café ou bien on finit de le nettoyer. Le carrelage sèche. On le voit sécher : un carreau trop pâle, un carreau trop rouge. Plus il est fade, plus il sèche. Les chaises sont sur les tables, deux par deux, renversées l'une sur l'autre. Les tables dégraissées supportent ces enlacements obscènes. On passe la main sur le marbre humide. On a un frisson. Cette propreté qui s'envole me calme. Le patron a déposé sa gueule de patron à la caisse. Il astique. Il a travesti la moitié de son corps avec un tablier. Son sexe, auquel on ne pensait pas, est derrière un paravent de toile bleue. Les garçons l'aident. Ils ont ressuscité des mouvements non automatiques. La porte du café est ouverte. L'odeur du tabac vadrouille. La rue a l'exclusivité des bruits."
"Elle a levé la tête. Elle a suivi son idée sur mon pauvre visage. Elle ne le voyait pas. Alors, du fond des siècles, l'événement est arrivé. Elle lisait. Je suis revenue dans le café. Elle suivait d'autres idées sur d'autres visages. J'ai commandé une fine. Elle ne m'a pas remarquée. Elle s'occupait de ses lectures. Quand elle arrive on nettoie le café ou bien on finit de le nettoyer. Le carrelage sèche. On le voit sécher : un carreau trop pâle, un carreau trop rouge. Plus il est fade, plus il sèche. Les chaises sont sur les tables, deux par deux, renversées l'une sur l'autre. Les tables dégraissées supportent ces enlacements obscènes. On passe la main sur le marbre humide. On a un frisson. Cette propreté qui s'envole me calme. Le patron a déposé sa gueule de patron à la caisse. Il astique. Il a travesti la moitié de son corps avec un tablier. Son sexe, auquel on ne pensait pas, est derrière un paravent de toile bleue. Les garçons l'aident. Ils ont ressuscité des mouvements non automatiques. La porte du café est ouverte. L'odeur du tabac vadrouille. La rue a l'exclusivité des bruits."
Bel extrait d'un livre peu connu de Violette Leduc.
RépondreSupprimerOn verra ce que donne le film, n'ayons pas d'a priori.
Ce qui compte, c'est bien que l'on parle d'elle, comme tu le fais aussi ici.
Depuis un mois Catherine Hiegel lit "La folie en tête" et "Correspondance" de Violette Leduc tous les soirs sur France Culture. Une expérience physique pour l'auditeur, rapté à l'heure tiède du diner.
RépondreSupprimerhttp://www.franceculture.fr/emission-lecture-du-soir-0
+ Bon séjour à vous en Franche-Comté.
et du côté de l'édition, aussi : "La main dans le sac", au Chemin de fer...
RépondreSupprimerOui, c'est vrai. Je crois qu'il n'était pas sorti, encore, quand j'ai écrit cet article. Merci Myrto.
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