Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d'une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Je ne sais si c’est parce qu’il se prénomme Victor que je l’aime, le poète arrivé ici alors que son siècle avait deux ans. Mes deux grands-pères se prénommaient ainsi et sans doute est-ce une raison, ou l’une des, pour laquelle mon frère lui aussi le porte.
Depuis que, dans ma cinquième année, je crois, j’ai vu (avec lui) dans un cinéma cette « chose venue d’un autre monde » ( 1951, Hawks et Nyby), terrorisé, pour la première fois, j’ai toujours aimé et senti qu’au cinéma se tramait quelque chose de terrible et de doux, de tendre et de tragique.
Plus tard, j’ai rencontré bien d’autres films et ce sont surtout les acteurs (moins les actrices)
Simone Signoret, Lino Ventura, Paul Meurisse
qui m’impressionnèrent. Probablement parce que « mon père, ce héros au sourire si doux » s’en est allé si tôt. Je suppose. Plus tard, plus que les acteurs
Marcello
je crois que ce sont les réalisateurs que j’ai aimés.
Luchino Visconti
Pas spécialement Luchino Visconti, d’ailleurs - je n’ai pas vu « Mort à Venise » -1971- parce que j’aime peu les turpitudes des vieux compositeurs, ou le lido, mais j’aime encore assez Dirk Bogarde, pour son humour probablement – et parce que je le confonds avec James Mason -, je l’aime dans « The Servant » (Joseph Losey, 1963 – même si de Losey, je préfère de beaucoup « Monsieur Klein », 1976). Même si Burt Lancaster, (« Le Guépard », 1963), et Delon et Claudia, les mouchoirs de soie dans les tiroirs des commodes et la lumière de Guiseppe Rotunno (celui qui a éclairé « Les aventures du Baron de Münchausen » …) , ou alors Kirk Douglas (comme il lui ressemble), Cary Grant (« North by Norwest », « la Mort aux trousses », Sir Alfred, 1959) et Montgommery Clift (« Les Misfits », « Les Désaxés », John Huston, 1961, ou alors, avec Liz, « Soudain l’été dernier » , Joe Mankiewicz, 1959), peut-être, eux aussi m’émouvaient.
Plus que les femmes ? Probablement pas, toujours présentes, Monica, Ava et bien d’autres, Anna Magnani, ma mère de substitution, tout comme pourrais-je dire Sam Fuller, ou Stanley Kubrick auraient du être mes pères...
Stanley Kubrick
Souvent, lorsque nous en parlons avec mon frère, à la terrasse du café, même en hiver parce qu’il fume, nous évoquons ces gens
Jean Pierre Melville
d’autres
Roberto Rosselini
et parfois des femmes
Chantal Ackerman
C’est qu’aux cinéastes, comme aux actrices et aux acteurs, notre histoire nous a habitués. Notre mère « chtrattait » lorsqu’elle avait quinze ou seize ans, juste avant guerre, pour ne pas aller à l’école (elle séchait les cours, elle allait au cinéma, elle aimait Errol Flynn, Steward Granger, Ray Miland et Spencer Traçy…).
Alors, regardant passer les voitures décapotables, sur la place, devant nous, tout en évoquant Jean Renoir, ou Julien Duvivier ou encore Henry-Georges Clouzot et Pierre Fresnay, nous rions, et je me souviens de mon père au volant de sa 404 station-wagon grise, qui déclamait un dimanche matin, en souriant :
Et vise au front mon père en criant: "Caramba! "
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
" Donne-lui tout de même à boire ", dit mon père.
Lui se prénommait Gilbert, et qu’ici, comme à tous ceux que j’aime, ces mots soient dédiés.
*
Texte de Piero Cohen Hadria avec lequel j'échange aujourd'hui, premier vendredi du mois, le contenu de mon blog : vases communicants liés au cinéma, que nous aimons tous deux. On peut retrouver mon texte ici.
Ce n'est pas "La Bataille du rail", de René Clément, ce n'est pas "La Bataille d'Alger", de Gillo Pontecorvo, ce n'est pas "La Guerre des boutons"... juste des explosions, des fusées dans le ciel, dans la mémoire, des arbres ou des palmiers, des ruelles ou des collines, des hommes armés (PM 49-56) et des enfants aussi (avec des frondes), des trains avec des voitures marquées 1 ou 2 : "La Guerre des classes" : est-ce qu'il a été tourné, celui-là, par les Marx Brothers ?
RépondreSupprimerOn aime bien suivre aussi la lampe de poche d'un "ouvreur", au cinéma.
Et les belles italiennes, ce n'étaient pas que des autos, on parlait de leurs "pare-chocs" pourtant !
RépondreSupprimeroh ! faut dire qu'ils étaient beaux les pare-chocs ! Bon, mais ce n'est pas pour eux que me suis offert une douce crise de nostalgie en lisant ce matin
RépondreSupprimerune ballade mélancolique,émouvant, un charme discret.
RépondreSupprimerMerci à tous pour votre passage... PCH
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