mardi 20 mai 2008

ronde

Vous prenez le métro chaque matin pour vous rendre au travail - enfin un emploi pas trop mal payé, un contrat honorable, une bonne ambiance, de jolis locaux, même si la tâche en elle-même n'a aucun intérêt.

Vous travaillez, vous voudriez autre chose : écrire. Mais il y a l'argent, et il en faut.

Vous écrivez donc dans le métro, sur le métro, par le métro. Notes qui deviennent un livre. Vous perdez votre emploi (voilà le livre terminé), vous travaillez à domicile.

Quelques années plus tard le livre est publié.

Quelques mois après la publication on vous invite à parler du livre, dans une ville du sud de la France. On vous offre l'hôtel, vous paie le TGV.

Dans le TGV face à vous s'installe une dame, cheveux blancs et canne, pull à col roulé. Souriante, aimable, un peu lointaine. Lire vous occupe (vous révisez), vous ne la regardez pas, jusqu'au moment où elle aussi pose sa pile de livres sur la tablette, oeuvres que vous ne connaissez pas mais. Puis elle consulte le dépliant de Lire en fête (vous vous dites oui, elle écrit, nous nous rendons au même endroit), elle lève la tête, sourit encore. En miroir vous sortez le vôtre et l'identifiez tout de suite : les auteurs invités sont tous en photo (sauf vous). La discussion s'engage.

Plus tard vous comprenez qu'elle vous a pris, au tout début, pour quelqu'un d'autre, une autre femme qui écrit (en photo, elle, sur le dépliant), rencontrée dans le hall d'hôtel, à laquelle vous ne ressemblez pas. Mais peu importe.

Durant deux jours vous la revoyez. Chaque fois elle vous fait une place : au restaurant où vous ne connaissez personne, dans la rue, dans les discussions. Au retour, vous êtes encore dans le même wagon.

Quelques mois plus tard un livre d'elle paraît, visible de loin à la bibliothèque. Vous l'empruntez bien sûr, dans le souvenir du TGV.

Dans les premières pages, elle remercie très vivement ceux et celles qui m'ont offert cette belle résidence au Randell College, à Wellington (Nouvelle-Zélande).

Dans votre tête, ces phrases de longtemps :
je ne voudrais pas mourir avant d'avoir fini d'écrire ce livre
je ne voudrais pas mourir avant d'être allée en Nouvelle-Zélande

Vous rouvrez son livre à elle, plus cruel que son titre : Les Croissants du dimanche. Elle c'est Annie Saumont.



7 commentaires:

  1. Je reviens sur ton article sur
    Jacques Prévert, du 2 Mai, et je
    repense a "Paroles", livre devenu
    Culte, qui a fait parti de mes
    lectures poétiques, que j'ai aimé
    pendant mon adolescence,et , étant
    grand randonneur, lorsque j'ai
    fais la boucle allant de l'anse
    St Martin/Cap de la Hague, en Août,
    je suis passé a Omonville-Le-Petit,
    Sur la tombe de J.Prévert, dans un
    petit cimetière d'une tranquillité
    de rêve. Sa tombe, ou est également
    son épouse, se trouve a une vingtaine de mètres de la chapelle
    Moyenâgeuse d'Omonville .
    J'ai été particulièrement ému, de
    voir que sur sa tombe, étaient
    déposés des quantités de Galets
    Blancs de la plage d'à côté, sur
    lesquels étaient inscrits des
    poèmes et des dessins aux feutres.
    J'ai visité également la maison
    ou il c'était retiré, avec son ami
    et complice de toujours, avec qui, en collaboration,ils avaient écrits
    quantités de scénarios pour les
    "metteurs en scène" de l'époque.
    j'ai été un peu long, mais tu m'as
    remis en mémoire des émotions.
    Bien cordialement. LANCELOT.

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  2. magnifique
    on ne peut pas (vous) dire bravo (à toutes les deux) mais on le pense...
    c'est qu'écrire (vous) rapproche
    c'est que les villes ne sont que des écrans
    c'est que les trains vont bien où ils vont (je sais de quoi ils parlent, je le sais et je le sais trop bien)
    voyez, parfois, je suis content de vivre dans la même (ville) que vous (et que les autres aussi) parfois
    on ne s'est pas croisé rue desnoyers (j'y étais vers 8h30) mais c'est certain, on aurait pu

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  3. Merci à vous pour les commentaires, qui me touchent beaucoup. J'écris sans savoir qu'on me lit, et pourtant je m'adresse à quelqu'un (?) Oui, sans doute, puisque nous nous croisons, même à des heures différentes...

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  4. ben oui, vous vous adressez à des quelqu'uns... c'est pour ça que vous faites un blog, I suppose ...? comme de juste.. virtuels mais c'est ce qui est moderne, qu'est-ce que vous en pensez ? contemporain ? ultra contemporain ? électronique ? mécanique ? électrique ? pas sûr que ce soit les bonnes questions, mais enfin continuez bien, on vous suit (combien de temps, nul ne le sait; jusqu'où non plus; mais n'est-ce pas ce qui est moderne ultra zapping etc. etc. ??? c'est un risque en même temps, pas si grand mais quand même... mais de ce côté-ci aussi du blog, si vous voulez...)

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  5. Mais c'est que la question d'écrire sans être lue s'est longtemps posée (je n'ai pas trouvé un éditeur tout de suite). Et il fallait écrire quand même.
    Quant au blog, c'était surtout créer quelque chose à côté de mon livre, sans forcément l'interactivité...
    Bon, maintenant qu'elle est là, je suis très contente !
    Bonne soirée,
    Anne

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  6. Cette histoire me fait penser à expérience très récente : train à compartiments le week end dernier pour aller au salon du livre de Caen. Nous étions 5 dans le compartiment et parmi nous 4 à nous retrouver après dans la navette qui récupérait les auteurs invités, alors que j'avais totalement exclu la possibilité qu'un seul des 4 autres voyageurs puisse s'y rendre aussi. Une parce qu'elle faisait les mots fléchés de" femme actuelle", un bien quinqua qui avait tout de l'idée que je me fais du VRP, et le dernier le plus jeune, à l'air sympa, parce qu'il était abonné à l'huma et qu'il sortait de leurs films plastiques tous ceux des derniers jours. Je m'étais donc royalement plantée avec mes a priori d'habit qui ferait le moine...

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  7. tiens, c'est drôle...
    Annie Saumont, elle, avait disposé devant elle des recueils de nouvelles et un essai de critique littéraire, ce qui m'avait mis la puce à l'oreille...

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