dimanche 31 juillet 2016

Journal de l'été #6


Ce qu'il y aurait de doux à raconter, ce serait la journée passée à s'occuper des contreparties de l'Ulule (classer, trier, écrire les adresses, un petit mot, signer, choisir les cartes, fermer les enveloppes) en compagnie de Luna, mascotte de L'aiR Nu


















(eh oui, même ici il y aura eu des photos de chat)

 

et voir les jours suivants sur les réseaux quelques photos du courrier reçu.













(les envois les plus encombrants partiront un peu plus tard)


Douceur de savoir qu'à la rentrée, quoi qu'il arrive, nous pourrons avancer. Pour l'instant, en cette veille d'août, L'aiR Nu se met en pause, après avoir ajouté deux vendredis de suite de courtes lectures dans ma rubrique 36 secondes, extraits de textes de J.B Pontalis, Annie Leclerc, Fabienne Swiatly et Michel Butor. 

 

A la rentrée, j'essayerai de poursuivre : deux nouveaux sons, très simples, très courts, tous les vendredis. Bobler, interface sur laquelle je m'appuyais, a disparu mais en utilisant Evernote on n'est pas loin d'obtenir cette même souplesse. J'aime les petits rendez-vous, aussi pourquoi pas ?

Et à propos de rendez-vous, j'attends demain avec impatience : la documentariste Stéphane Mercurio va en effet poster chaque jour du mois d'août, sur une page facebook dédiée, un élément lié à son nouveau projet, intitulé Les Parisiens d'août
Voici ce qu'elle en dit : 
Une déambulation caméra au poing le long d’un itinéraire qui commence sous le périphérique parisien dans le parc de la Villette le 1er août et qui se terminera le 31 août quelque part, le long de la Seine, je filmerai. Toujours le long des rivages de la capitale, en suivant d’abord le canal puis la Seine.
Je marcherai chaque jour trois ou quatre heures avec une caméra, toujours à pied, seule. Je ferai donc l’image et le son. Le lendemain, je reprendrai exactement à l’endroit
et à l’heure ou je me suis arrêtée la veille. Je m’accorderai 5 jours off pendant le mois d’août que je choisirai au dernier moment. Je mettrai 8 jours pour faire le tour du cadran mais le 31 août l’aventure prendra fin.












(photo de Stéphane Mercurio)

Elle ajoute : 
Le temps d’une déambulation urbaine au rythme de l’été. Je flânerai dans Paris afin de m’abstraire du rythme effréné de la ville et retrouver celui de ses habitants l’été. Rester au fil de l’eau est un gage de sérénité d’apaisement pour moi. 
Ce qui me rappelle ce que dit Annie Leclerc, justement, même s'il s'agit alors d'immersion.
J'ai hâte de découvrir le résultat et d'y revenir chaque jour. Ce qu'on sait pour le moment, c'est qu'il s'agira de la publication d'une image, d'un son, d'une vidéo ou de quelques lignes : un petit instantané, comme un petit bonbon à déguster. Ces petits moments publiés sur la toile ne seront pas la matière principale du film à venir mais une mise en bouche, un partage, autre chose. Un autre récit permettant aux autres d’ajouter leur histoire ou leur souvenir au mien.

 

(photo de Stéphane Lavoué)

En attendant, je suis allée regarder la série d'Arte intitulée Pause photographique : onze fois, durant deux ou trois minutes, on y suit le photographe Stéphane Lavoué faire le portrait de gens aussi différents que Zinédine Zidane, les comédiens du Français, Vladimir Poutine, Nabilla ou Pierre Soulages. La voix off de Lavoué, son récit à la première personne, les photos qui se succèdent et dans lesquelles on semble se promener : c'est tout, c'est en apparence très simple et c'est passionnant. En quelques secondes, on se retrouve à la place d'un portraitiste qui doit composer avec le décor, la pression de l'entourage, l'humeur de la star, son sourire forcé... Mon préféré ? Soulages, à l'attitude parfaite : la classe incarnée. 
Et vous avez jusqu'au 1er juillet 2038 à 23h59 pour aller voir, figurez-vous.

mardi 26 juillet 2016

Journal de l'été #5














Il y en a trop, il y en a tout le temps, et vous voyez très bien de quoi je parle. Comment tenir le journal, comment dire l'été ? Comment dire quoi que ce soit d'autre que ce dont on parle ? Comment tenir ?


Je ne poste donc dans ce cinquième épisode que des photos de Marilyn Monroe en train de lire.


















Chez elle, au Beverly Carlton hotel au début des années 50, ou ailleurs.


Elle lit des romans, des essais, des scénarios, les lettres de ses fans.


Elle achète le journal, elle emprunte des livres à la bibliothèque. Elle écrit, elle répond, elle apprend, elle réfléchit.


















Elle s'enregistre, elle répète, elle chante, elle écoute du jazz en même temps. 















Elle pose, elle s'arrête, elle sourit, elle reprend, elle oublie.


















Elle achète, on lui offre des livres, elle rencontre parfois les auteurs.


















Les photographes la prennent en train de lire dès qu'ils entrent chez elle. Quand elle se déplace, elle emporte un ou deux livres.

 
















Parfois c'est léger, parfois ça occupe l'esprit.



































Je cherche à écrire ce qui se joue là, mais pas ce soir, pas sur ce blog. Ce soir je regarde.


















Nous sommes tous pieds nus adossés au rideau à fleurs chez Natacha Lytess, la coatch de Marilyn.


















Nous achetons le journal sous l'oeil de Philippe Halsman. 


Lisons Leaves of grass dans l'herbe. 


















Etalons le courrier par terre pour bien montrer aux producteurs que.


















Nous rêvons. Sommes et ne sommes pas ici. Sommes et ne sommes pas Marilyn.





























Parfois ne le sommes pas du tout.


Nous rêvons. Nous avons à dire et à faire, et besoin de silence.











Parfois il semble qu'elle nous aide.


















Parfois c'est vraiment autre chose. Une surprise, une scène coupée.


Les yeux baissés, le sourire forcé qui n'est plus de mise, quelque chose de cet ordre, aussi.

 

Qui s'approche de la pensée, s'y suspend.


A nouveau en spectacle.


















Puis non.


















Avec elle et sans elle lire à nouveau, faute de dire.

 

samedi 23 juillet 2016

Journal de l'été #4



















vendredi

Avenue Jean Jaurès il y a ce balcon, rouge et seul au monde, sur une façade blanche. Un homme, une femme y passent-ils la tête, parfois ? Se penchent-ils ? Observent-ils les élèves du cours Florent situé tout à côté ? Ce sont des questions de rien, des questions de fenêtres, les mêmes que celles que recense mon livre écrit il y a une quinzaine d'années maintenant. 
Le soir de la finale de l'Euro, je discute avec mon amie, la céramiste Christine Tchépiéga. De sa cour, on entend les rumeurs du match, les exclamations des gens en terrasse sans en deviner davantage. Elle me montre le premier des objets (sculptures ? comment nommer ce qu'elle est en train d'inventer ?) à l'intérieur desquels on pourra lire des extraits, très courts, de Fenêtres et de Décor Lafayette. Ce qu'elle me présente, qui n'est pas encore terminé, a déjà sa forme définitive, s'inspire du passage dans lequel un grand-père fantasmé, vivant dans un squat, boit son café au bol en regardant passer les métros de la ligne 2. On dirait une sorte de maison-salon, ou chambre, ou fenêtre, épurée et abstraite, intime. Tel quel, c'est déjà magnifique. Je suis très émue de cette connivence amicale et artistique. Ce que Christine crée à partir de ce que j'écris, je n'aurais jamais pu l'imaginer, me le représenter. Au moment où je le vois pourtant, l'évidence me traverse : je reconnais ce qui n'appartient qu'à elle. Le plancher de la pièce qu'elle invente, ce sont les rideaux du squat ; le bol résume tout entier le grand-père ; la forme du toit rappelle une phrase qui n'apparaît plus dans le texte...
C'est peu dire que j'ai hâte de découvrir la suite. Que va-t-elle faire de mon passage sur la violence de la ville, écrit en franchissant les voies de la gare du Nord ? Comment présentera-t-elle Mademoiselle Lapierre, la géante du Palais royal ?


Une des toiles de Christine, peinte à partir d'un texte que je lui avais confié il y a plus de vingt ans, fait apparaître dans un cadre un viaduc ou le pont d'une voie ferrée. Je l'ai sous les yeux au moment où j'écris, où je poste cette photo de mon carrefour, panneau d'aluminium croisé en revenant des Buttes Chaumont qui se déchire et le distord, l'amenuise, le réduit, l'inverse. Je regarde la photo, le tableau, à l'abri dans ma chambre. Je pense à mes questions de rien prolongées par bien autre chose : en bas de l'avenue ce matin, la police évacuait les centaines de migrants qui campaient depuis plusieurs jours entre Colonel Fabien et Jaurès. Une vidéo tourne sur les réseaux depuis tout à l'heure. On voit avec quel mépris, quelle violence un policier s'adresse à une jeune mère avec bébé. Le commentaire précise qu'un autre policier (si j'ai bien compris) a balancé trois coups de pied dans la poussette où le bébé se trouve.
Comment tenir encore ce journal, avec toute cette honte ?


La nuit, depuis deux nuits, entre trois et cinq je me réveille. Je regarde dans la pénombre ma bibliothèque. 
Et pendant que j'écris, onglet ouvert sur les réseaux pour retrouver cette vidéo prise à Jaurès, c'est d'une fusillade à Munich qu'il s'agit maintenant. Plus question de terminer cet article. Tout est suspendu.

samedi
 


 Je pense à ceux que j'aime.

Hier, je me disais en arrêtant d'écrire : j'aurais tellement voulu parler de L'aiR Nu encore dans cet article, de cette force que nous donnent depuis quelques jours ceux qui nous ont soutenus, ont permis le succès de notre appel. De ces plus de cent trente personnes avec nous.
Si je poste ces affiches déchirées ce n'est pas pour la déchirure, c'est parce qu'en les voyant dans le métro j'ai pensé à Pierre Ménard qui les collectionne et qui, sous son nom de Philippe Diaz, préside notre association tandis que Caroline, sa femme, est notre trésorière. C'est une façon de les embrasser, de se rappeler un verre pris en leur compagnie à rire, à discuter, à cogiter l'Ulule.

 













Si je poste ces deux couvertures de livres maintenant, nouveaux extraits de livres lus et mis en ligne dans la rubrique 36 secondes de L'aiR Nu, ce n'est pas pour faire de la pub mais pour dire que ces voix, J.B Pontalis parlant de l'importance des fenêtres, Annie Leclerc des bienfaits de l'eau, ce ne sont pas que des douceurs consolatrices, des questions de rien. Ce sont, quoi qu'on en dise, des formes de résistance.



Retournons-y. Retournons lire.

dimanche 17 juillet 2016

Journal de l'été #3



















Envie, ce matin, d'écrire un nouvel épisode de ce journal de l'été et de commencer par cette photo prise dans une cour de la rue Richelieu, à Paris, mercredi dernier. Photo à la volée avant de bifurquer, de grimper un étage, d'attendre dix minutes dans une salle à la déco pétaradante puis de me faire interroger durant trois heures sur ce que la RATP envisage pour compléter (remplacer ?) à terme le Navigo, passe mensuel si important pour mon personnage de Une ville au loin, qui lui permet d'en détourner l'usage, de s'imaginer d'autres vies.
J'ai dit que de toute façon je préférais le Navigo, mais ce n'est pas ce qu'on me demandait.
J'ai répondu à l'enquête pour recevoir de l'argent, suis ressortie avec un chèque, ai pensé : pour une fois que je gagne quelque chose sans projeter autre chose. J'ai marché jusqu'à la station Palais Royal. J'avais l'impression que pour une fois le monde était simple : on t'invite, on te demande ce que tu penses, combien tu es prêt à payer. On t'offre du jus d'orange, un thé, des gâteaux. On t'enregistre, te filme, on te le dit. On te parle gentiment, on te donne de l'argent, tu repars, tu oublies. 

 

Je suis rentrée chez moi attentive à cette sensation : le contentement peut-être, le léger soulagement de se dire qu'il est parfois possible de traverser dans les clous, de répondre à la demande sans chercher plus loin.
Je suis arrivée. Il était 18h. Suis allée me coucher direct.














Deux jours plus tôt (ou comment depuis tout à l'heure remonter le temps avant Nice, on le comprend j'espère), avec L'aiR Nu nous en étions toujours à projeter quelque chose pour gagner quelque chose : collecte Ulule qui au moment où j'écris n'en a plus que pour quelques heures avant d'échouer ou de réussir (vite vite), dossier Dicream que nous avons porté sur place avant la date limite avant d'apprendre qu'il manquait un papier : celui du formulaire, des cases à remplir.
On ne rit pas ? Si, si. On a stressé puis on a ri, tant ça nous ressemble. 
On a encore jusqu'à demain, rien n'est perdu.


(tiens, voilà bien ce qui nous ressemble, plutôt)

*

J'ai appris pour Nice à 6h30 du matin, tandis que je voyais défiler ma timeline, sa nuit blanche. Quatre de vos amis sont en sécurité à Nice me disait Facebook. On comprend tout de suite, désormais, n'est-ce pas ?
Est-ce qu'on se précipite pour regarder ? 
Nice. Sécurité. On laisse les mots envahir la pièce. On attend. On retarde. Ca dure combien ? Une, deux minutes à peine. 
 












Ensuite ? 
Regarder le mur, le plafond. Devant soi sans voir.

J'avais un truc inavouable à faire pour tenter de gagner de l'argent, un test, j'ai serré les dents toute la journée et je l'ai fait. Je n'ai rien écrit sur les réseaux sociaux (je ne poste plus rien dans ces cas-là, pourquoi dire ?) (dans ces cas-là résume tout). Mais évidemment j'alternais l'écriture du test inavouable avec la lecture des articles, des nouvelles, des commentaires. Les monstruosités, les horreurs, les premières réflexions. Pas les rumeurs : plusieurs heures, déjà, s'étaient écoulées. Pas les images : depuis des années je les regarde plus.
Dire son effroi puis, très vite, presque en même temps, sa consternation devant les déclarations des politiques ? Le dire ? Le taire ? Je ne sais pas. Je me demande : l'effroi et le mépris qui alternent à toute vitesse, se répondent, qu'est-ce que c'est que cette violence supplémentaire ? Quel nom pour cette déchirure ?

Sans rien oublier, de la fenêtre postée ci-dessus détailler longuement mur et ciel, le bleu du dedans, dehors.

*

Je place ici la cour qui est belle et sans lien avec le travail ; une photo d'Albert, escargot aimé de ma mère (photo prise par elle) ; le dossier incomplet mais bientôt complété de L'aiR Nu ; un collage de Mathilde Roux qui se trouve dans Une ville au loin ; une photo de fenêtre de Thierry Beinstingel, liée dans son esprit à Dita Kepler.
Embrasser le monde, toujours.