lundi 26 octobre 2015

De la ville au Loing #3






































Il est des jours où l'on sait pourquoi on est là, pourquoi l'écriture vous a emporté là, au-delà des dossiers à monter, des réunions, des oui et des non en tous genres. Au bon endroit pour les bonnes raisons, soudain. 










































Vendredi dernier, je me suis rendue à Saint-Mammès, gare de la ligne R qui suit celle de Veneux-Moret, entendre parler batellerie, péniches, vie de marinier. J'y reviendrai certainement, dans les deux sens du terme, en dirai plus long sur ce que j'ai appris dans la cale de la péniche Jonor durant une bonne heure.











































Apprendre et rêver à mille choses, entamer peut-être une fiction - cette ville au Loing n'est pas seulement un journal que je poste ici, je vais également tenter autre chose, mais c'est trop tôt pour en parler.



































En attendant, ces quelques photos et tous mes remerciements à monsieur Mariage, ancien marinier passionné dont il est fort possible qu'un jour ou l'autre, on entende la voix sur L'aiR Nu.

mardi 13 octobre 2015

Que lire en public (réflexions à voix haute)



















Je parle beaucoup ici, ces derniers temps, de lectures en public : l'intérêt porté au son (le projet Bruits, L'aiR Nu) et ces lectures elles-mêmes, qui se succèdent depuis quelques jours, me poussent à y réfléchir, c'est vrai. Ce à quoi je pense, ce matin, c'est au système de montage d'extraits que j'ai mis en place depuis le début : je crois n'avoir jamais lu un de mes textes de la façon dont il apparaît au lecteur lorsqu'il est publié. Parfois, j'incorpore un second texte à celui que je suis censée lire (Fenêtres / texte sur Claire Dolan paru dans Le Ciel vu de la terre, par exemple, autrement dit croisement Paris / New York) ; parfois je modifie l'ordre dans lequel les extraits sont lus pour créer un sens nouveau (ce que j'ai fait avec Ile ronde à Nantes la semaine dernière) ; j'ajoute de nouvelles phrases ; je mixe de trois à sept textes différents (nuit remue.net, festival Hors Limites à Montreuil...). Et pourquoi donc ? 

(ici, une parenthèse pour dire que mon blog, depuis quelques temps, est moins lieu d'écriture qu'espace où je voudrais déposer des éléments hors champ, liés à ce qu'on ne peut ni voir ni lire immédiatement, pièce chorégraphique dont la première n'a pas encore eu lieu, livre inédit... Ce n'est pas par sadisme ou indifférence envers ceux qui me suivent. Simplement, il arrive que les choses avancent dans l'invisible. J'espère que tout cela n'apparaît pas sans intérêt, ni trop abstrait)

Pourquoi ces montages, donc ? Pourquoi ne pas se contenter de lire le texte dans l'ordre ? D'une part, il y a le désir de ne pas se répéter, de créer quelque chose de neuf à partir d'une base existante. C'est ce qui me guide quand j'écris, c'est aussi le cas lors des lectures : il faut que j'aille trouver ce m'amuse et me fait un peu peur (ce que j'ai peur de rater, de ne pas savoir faire) ; ce qui crée une tension, une attention, installe un équilibre fragile. Pour autant, je ne prends pas le risque de l'improvisation. Au contraire, au moment de lire, j'ai réfléchi je ne sais combien de fois à la construction, répété le montage ad nauseam. Façon de se protéger sans aucun doute mais pas seulement, je crois. Façon d'incorporer les silences, les variations de ton, etc.

Et donc, ce matin, c'est de Décor Daguerre qu'il s'agit. Un livre que personne n'a lu, ou presque, et qui risque de rester confiné dans le dossier "décors" de mon ordinateur encore longtemps : ayant besoin d'énergie pour autre chose, je n'ai plus celle, pour le moment, de lui trouver un éditeur. Les gens dans la salle, ceux qui viendront voir le film de Varda jeudi soir, m'écouteront ensuite, n'auront pas la moindre idée de la construction du texte qui, s'il prend pour point de départ Daguerréotypes, fonctionne par embranchements, reprises, retours : son centre de gravité, en réalité, est ailleurs. Alors, que faire ? Pour ne pas les perdre, je décide de ne lire que des extraits liés au film. Nous passerons ainsi de la rue Daguerre filmée en 75 à la rue Daguerre décrite en 2013 sans hiatus, sans dérive. Pour autant, quelque chose me gêne. Si je me contente de ça, je risque l'illustration pure et simple, la réduction à l'anecdote. Ce sera gentil, se suivra bien, mais quel intérêt ?

(là, pendant que j'écris, je sens que le ton monte. Et en effet, je suis en train de m'énerver toute seule. C'est qu'en fait, voyez-vous, au moment où je tape ces mots, je n'ai pas résolu le problème. Je pensais qu'y réfléchir ici, dans l'interface, allait m'aider. Mais non. Je crois qu'il vaut mieux que j'aille me coltiner la difficulté directement. A tout à l'heure, donc) (j'enregistre, je mets en brouillon)



















J'ai écrit ces mots hier matin. Il m'a fallu tout ce temps pour tester, rapprocher, supprimer, inventer quelque chose. J'ai trouvé, je crois, et une fois encore, ce ne sera pas une lecture "dans l'ordre". Je ne juxtaposerai pas non plus tout à fait les extraits qui décrivent le film. Pourquoi, une fois de plus ? Pourquoi travailler tant, reconstruire, recréer ? Par manque de confiance envers le texte initial ? Pour garder la main jusqu'au bout ? Parce que chaque lecture est un moment unique ?
Parce que l'ordre de mes textes est un ordre mais pas l'ordre, peut-être ?

En effectuant ce travail de montage, et sans relire Décor Daguerre en entier, j'ai bien vu que le livre ne pouvait exister autrement que comme il se présente, en tout cas. Si je monte et démonte la structure de mes textes pour les lire en public, c'est aussi, paradoxe apparent, parce que cette structure ne bouge plus du tout. C'est comme ça...

(et comme dirait Mystag, merci de votre attention !)

lundi 5 octobre 2015

De la ville au Loing #2














C'était donc, vendredi soir, inauguration de la résidence à Ecuelles de L'aiR Nu, et départ pour nous bien avant de Paris - Piero en parle ici, déroule la journée. 
A l'horloge Victoria Station du restaurant alsacien de Moret (parfaitement) où nous venons de déjeuner, il est cinq heures trop tôt. Dehors, le temps est magnifique. Le trac monte un peu mais les rires également, surtout eux, tandis que nous partons pour Ecuelles en nous trompant, longeant la forêt sur la droite au lieu des champs à gauche, arrivons finalement 













(cette photo a été prise tout spécialement pour Christine Jeanney, qui a twitté l'adresse de la rencontre, merci Christine) 
dans la salle Jean Mermoz où il s'agit alors de transporter, d'installer, de brancher, de tester, d'accrocher des tableaux, des livres et des câbles.


















































(deux membres éminents du collectif, on le voit, surgissent de cette foule de carrés et rectangles que je saisis comme je peux)
(il manque le très beau livre d'artiste que Piero a co-réalisé, et les gants pour en tourner les pages)

Dix huit-heures. Il est encore, il est toujours trop tôt. Après une visite à la médiathèque juste en face, nous optons pour une balade le long du canal du Loing, durant laquelle je dis moult bêtises, comme d'habitude avant une lecture, ce qui ne se voit pas ici 


























mais risque d'avoir été enregistré ; paroles qui filent le long de l'eau, coureurs, cyclistes et marcheurs, nous croisons des mûres, un potager près d'un fossé, une citrouille-carrosse, une maison aux fenêtres sans rideaux (immense, on s'interroge), un banc (trop tard pour s'y asseoir), au retour une usine

























Voilà c'est presque l'heure. Les gens commencent à arriver. De mon côté, ce moment-là devient : s'isoler un peu derrière le rideau ; répéter une dernière fois (heureusement, j'avais inversé deux pages) ; attendre la fin des discours ; traverser la scène ; arriver au micro ; ne rien percevoir de la projection. Douze minutes d'écoute magnifique en salle, que j'entends, qui me porte. L'important : se concentrer sur le texte, le passage d'un extrait au suivant. 
Douze minutes de lévitation. Je ne sais pas ce que voient les gens, je n'ai pas le temps d'imaginer. Il faut se focaliser sur le ton, les silences, les accélérations. Je veux que le texte de Mathilde entraîne. Je veux rester le plus juste possible quand ce sont les voix écrites par Piero, par Joachim qui se présentent, reviennent (une vieille dame entre à nouveau dans sa maison d'enfance ; un garçon de dix ans rêve de quitter son village). Je veux qu'on ne décroche pas. Qu'on sente la chaleur, le froid, toute une palette d'émotions et que les auteurs, assis à ma droite (je ne les vois pas, me tourne une seconde vers Mathilde) s'y retrouvent, soient contents, même, disons-le.

Rien de plus intense que ces moments-là. Impossible d'y ajouter encore un mot ou une image...

*

(pour donner tout de même une idée en attendant que cela soit en ligne, sachez que les extraits de textes des douze minutes sont tirés : 
d'un vase-communicant de Mathilde avec Anne-Charlotte Chéron
d'un vase-communicant de Piero avec moi
de Village, de Joachim
de Ile ronde, déchirure / tempête
du texte que j'ai écrit pour Elles en chambre de Juliette Mezenc
d'un vase-communicant entre Joachim et moi
de J'ai l'amour, de Mathilde)